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L’ŒUVRE IGNORÉE DE L.-P. MOUILLARD

peut-être y croyaient peu elles-mêmes, mais elle est aimable, et, tant que ce héros vécut, son esprit vagabonda si loin de la vie réelle !

En 1847, Louis semble se reconcilier avec l’étude. Il remporte le deuxième prix de zoologie et le deuxième prix de dessin, première manifestation précise des goûts futurs de notre ornithologue. Dans les deux années qui suivent, les études sont plus troublées : la Révolution sévit. Louis Mouillard passe la plupart de son temps à la maison avec ses frères et ses sœurs. Le père a loué un grand grenier en haut de la maison de la Place Neuve des Carmes, et on y envoie jouer les enfants. Louis montre déjà une ambition très résolue, celle de voler comme les oiseaux, la vue d’une hirondelle l’ayant plongé dans une longue rêverie.

« J’avais quinze ans — écrira-t-il en tête de l’Empire de l’Air — quand le hasard voulut qu’un oiseau produisit devant moi une évolution qui fut pour moi une révélation. »

Avec l’autorité que peut avoir sur ses cadets un aîné qui ne doute de rien, il fait partager son bel enthousiasme à sa sœur aînée, et les rêves les plus extravaguants s’élaborent dans le vaste grenier. Louis a quinze ans et demi, lorsque, avec l’aide de sa sœur Adèle, de deux années plus jeune que lui, il se fabrique une paire d’ailes en coutil, maintenues par des baleines de corsets. Le secret est bien gardé vis-à-vis de la famille par ces bambins, qui, pour n’être point grondés d’être trop ambitieux, conservent un mutisme héroïque. Louis a déclaré qu’il suffisait de se laisser tomber du haut de la vieille église de Fourvière, avec ces ailes, pour pouvoir s’envoler. Il grimpe au haut de la colline. Déjà l’auteur de l’Empire de l’Air est tout entier dans ce geste ; il a trouvé sa fière devise : oser ! Il va s’élancer. Fort heureusement, le gardien du clocher aperçut à temps le