Page:Le vol sans battement.pdf/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
LE VOL SANS BATTEMENT

sante et qu’il agit sur un aéroplane pesant, ce genre d’ascension peut se faire.

Plus tard, quand il se trouvera en face d’un voilier lourd, il pourra se délecter à la vue de cette ascension majestueuse dans sa singulière lenteur. L’aigle, ce grand maître, non seulement s’y livre assez souvent, mais même y ajoute parfois le coup de pouce : il s’élève et avance lentement contre le vent.

Je me souviens d’une observation de ce genre d’enlèvement qui m’a fortement irrité. Je suivais en plein été un canal de la Basse-Egypte ; j’allais de l’autre côté, en face, à quelques centaines de mètres et il me fallait faire encore une grande heure de route pour traverser l’eau à l’écluse, et autant pour revenir. Il était onze heures, l’astre, infiniment trop radieux, inondait le pays de ses rayons d’un éclat insoutenable. La chaleur était torride, mais était cependant presque soutenable grâce à la brise de mer qui était très active. Je suivais donc avec une philosophie forcée cet interminable canal, quand je fis lever un grand faucon qui était posé sur la berge que je suivais. Il partit presque de mes pieds, ouvrit simplement un peu les ailes au vent qui venait de l’autre bord, avança contre le courant avec une lenteur de moins d’un mètre à la seconde et aborda paisiblement sur l’autre côté du canal sans avoir produit l’ombre d’un battement.

La manœuvre était splendide de simplicité. Dans cette traversée, le faucon faisait l’acte impossible, l’avancement, contre le vent, sans élancé et sans effort ; c’était un remarquable exemple de ce qu’on nomme l’aspiration. Mais ce qui me rendit furieux c’était de comparer ma course pénible et sans fin à cette traversée d’un bord à l’autre faite avec si peu d’effort.

Qu’avait fait l’oiseau en somme ? Rien qu’étendre les ailes, tenir tout à fait ses pointes a l’arrière, se soutenir,