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APPAREILS AÉRIENS

part, du bon sens et-toujours du bon sens. L’aviation ne sera même résolue pratiquement que par un poltron, mais un poltron sensé, qui mettra de son côté tous les éléments de réussite et éliminera de sang-froid toutes les chances d’accident. De Groof a eu la témérité de se lancer dans les airs de deux ou trois cents mètres de hauteur, soutenu par un appareil insensé qu’il n’avait jamais essayé. On ne peut dire de lui qu’une chose, c’est qu’il s’est suicidé[1]. Que dire autre, quand on pense qu’un oiseau qui ne se sent pas en exercice, qui sort de sa cage, n’ayant pas utilisé ses ailes depuis longtemps, n’oserait pas abandonner le ballon dans cette circonstance ? Il se méfierait de ses moyens et ne se lancerait pas. Et on veut qu’un homme, ignorant tout des manœuvres aériennes comme l’est tout terrien, aille du premier coup se livrer à l’espace, pendu à un appareil indirigeable dont il ne connaît pas les effets ! C’est de la démence assurément.

Il faut absolument procéder lentement. Au lieu de tout livrer au hasard, il faut, au contraire, mettre de son côté tous les atouts. De la prudence, du calcul, de la sagesse et du bon sens, sans cela on ne réussira qu’à se casser la tête, et les têtes brisées ne font pas avancer l’aviation,

Ainsi, dans l’Empire de l’Air, j’ai donné un peu du côté des imprudents dans l’exposé d’un projet d’essai[2]. La hauteur nécessaire pour permettre à un aéro-

  1. On trouvera le croquis de l’appareil de De Groof dans le tableau de M.DIEUAIDE, à la fin du présent volume.
    Le 9 juillet 1873, de Groof qui avait construit un parachute muni d’ailes, se fit enlever en ballon par M.Simmons, à Gremorn Garden, à Londres. La corde qui retenait de Groof et son parachute fut coupée à une certaine hauteur ; les ailes se retournèrent, et l’inventeur fut précipité sur le sol.
  2. Voici le passage auquel il est fait allusion :
    « Je prendrai l’aéroplane chargé à une grande vergue de bateau ; on le hissera aussi haut que possible, et de là-haut on l’abandonnera à sa