Page:Le vol sans battement.pdf/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
LE VOL SANS BATTEMENT

les courroies et non par les barres qui étaient supprimées. Cela avait certains avantages, entre autres celui de me permettre de courir rapidement.

C’est avec cet aéroplane ainsi fixé que j’ai fait le glissement de 42 mètres relaté au commencement de ce livre[1]. Quelques jours après je rétablis les organes qui me permettaient de frapper l’air, ne pouvant me résoudre à reconnaître mon impuissance, ne pouvant admettre d’être ankylosé de la sorte ; c’est ce qui permit au coup de vent de m’effrayer et m’engagea à céder devant lui[2], étant encore sous l’action de la peur de ce célèbre trajet fait sans le vouloir. J’y étais forcé par le raisonnement, étant bien sûr qu’avec ou sans battement, je n’avais pas la possibilité de me diriger. En résumé, le pouvoir de flexion des ailes me permit d’esquiver cet enlèvement que le vent me présentait.

Voici donc ce que l’homme peut faire sans battement ! Il faut reconnaître qu’il est bien faible, puisqu’il ne peut même pas se faire porter par des ailes étendues dans la position du vol plané, à moins d’attacher le moteur à un point inutilisable comme battement.

Si le vol à la voile n’existait pas, il serait presque interdit à l’humanité de songer à l’aviation.

Le vol des rameurs demande non seulement une puissance extraordinaire, force qui est encore à trouver, mais exige, et cela de la façon la plus impérative, des matériaux légers pouvant supporter cet effort. C’est là qu’est la difficulté qui semble insoluble.

Plusieurs aviateurs rameurs ont palpé cette impuissance. Pour convaincre ceux qui n’ont pas touché du doigt cette insuffisance dans la tenue de la matière, ils

  1. Voir plus haut p. 203 et suiv.
  2. Voici le passage auquel il est fait allusion : « Il y avait du bon dans cet aéroplane, mais il avait été fait trop précipitamment. − L’essai fut fait par un vent trop fort ; je ne voulais pas me montrer, je fus obligé de saisir un moment où j’étais seul... Je me suis mis donc dehors avec mon appareil, je courus contre le vent : la sustentation était très forte.
    « Je n’avais pas confiance, je l’ai dit, en la solidité de mon aéroplane. Un coup de vent violent survint : il m’enleva ; je pris peur, je cédai devant lui et me laissai renverser. J’eus une épaule luxée par la pression des deux ailes, qui avaient été ramenées l’une contre l’autre comme celles d’un papillon au repos. » (L’empire de l’Air, p.248).