Page:Le vol sans battement.pdf/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
L’ŒUVRE IGNORÉE DE L.-P. MOUILLARD

Est-il réellement bon de s’inoculer un virus aussi actif que celui de l’amour de l’aviation ?

« J’en doute fort. Et à ce propos-là, entre nous, en ami bien sincère, si vous n’êtes pas encore pris, précisément empoigné par ce problème, laissez-le, abandonnez-le, n’y pensez plus ; c’est une terrible maladie que vous éviterez.

« J’aurais bien dû suivre le conseil que je donne ! mais je ne savais pas d’abord, puis je n’aurais pas pu.

« J’ai réussi à passer plusieurs mois sans y penser. Je me croyais guéri, quand, un beau jour, levant les yeux en l’air par le plus grand des hasards, je vis un magnifique arrian. Oh ! ce fut fini ! tant qu’il fut en vue, je fus cloué sur place. Et franchement, il y avait de quoi être immobilisé.

« Il passait là-haut, luttant lentement contre un vent de tempête pareil à nos grandes bises, avançant peu à peu contre ce puissant courant aérien avec une régularité singulière. De temps en temps, pour résister à ces bourrasques qu’on percevait d’en bas, il s’élevait sans reculer et sans avancer, mais gagnait une hauteur considérable.

« C’est surtout cette lenteur qui stupéfie, c’est cette faculté de pénétration quand même dans ce vent violent qui donne le mal de l’aviation. Puis quand il se mit à décrire ses orbes, ce fut une amplitude indescriptible.

« Que Dieu vous préserve d’un pareil spectacle !

« Et après qu’il eut disparu, cette majesté dans les allures me poursuivait. Tout ce qu’il avait produit comme acte de vol était d’une analyse simple, il n’y avait aucun mouvement difficile à expliquer : tout était d’une compréhension si facile que le désir de l’imiter revint d’une façon impérieuse.

« Je considère la vue d’un pareil spectacle comme un