Page:Le vol sans battement.pdf/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
LE VOL SANS BATTEMENT

ligne ondulée, qu’on devrait reproduire graphiquement cet exercice.

Ce non épuisement complet de l’élancé est très souvent employé par les oiseaux d’une masse importante. Les oiseaux légers connaissent aussi ces effets de l’emmagasinement de la vitesse acquise, mais leur faible poids atténue tellement l’économie de cet exercice que l’oiseau y renonce la trouvant inutile.

Lorsqu’on se rémémore les évolutions des voiliers lourds, on s’aperçoit que, si cette manœuvre n’est pas aussi bien faite que celle produite par l’aigle, c’est-à-dire dans toute la pureté de la démonstration, puisqu’il la commence sans élancé, elle est exécutée, au contraire, très souvent en plein vol. Le type de cet exercice est l’oiseau de mer qui, de l’arrière du bateau, à hauteur du pont, arrive à l’avant en passant par dessus le grand mât : haut fait auquel se livre assez souvent le goéland, mais qui est surtout le triomphe de l’albatros. Il est de fait que ce singulier planeur rapide a tout ce qu’il faut pour produire cet acte de vol dans toute la perfection.

Les gens de mer racontent si souvent ce tour d’adresse de l’albatros que cela nous indique plusieurs choses : la fréquence de l’acte, la pureté de son exécution, enfin l’étonnement qu’il cause aux marins et surtout l’impossibilité où ils sont de se l’expliquer. Ce sont les marins des navires à voiles qui sont les plus explicites dans la narration. Ils ont dû avoir ce spectacle plus longtemps sous les yeux que leurs confrères des bâtiments à vapeur. Il est assez naturel de penser que ce rustique habitant des mers n’est pas encore complètement habitué à la fumée des paquebots, tandis que l’allure tranquille d’un gros voilier filant sans bruit lui inspire une plus grande confiance. Ils sont unanimes sur ce point, c’est que plus le temps est gros, plus il y a d’albatros ,et plus ils approchent des bâtiments.