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APPAREILS AÉRIENS

Ceci me remet en mémoire une expérience qui me fut racontée par M. Hureau de Villeneuve. Plusieurs aviateurs, désirant voir le vol du grand vautour, obtinrent de la direction du Jardin des Plantes qu’on donnerait la liberté a un Gyps fulvus. On lâcha donc l’oiseau, mais à leur grande surprise, ce voilier incomparable ne savait pas voler ; il fut impossible de rien tirer de lui.

Le volateur, pour posséder ses facultés, doit voler tous les jours. La confiance en ses ailes s’éteint avec l’absence d’exercice. Un vautour, un aigle, qui n’ont pas plané depuis longtemps, mis en liberté, seront, au départ, des rameurs ; ils ont oublié que l’aile fait des merveilles de glissement, et ce savoir ne leur revient que lentement. Je l’ai expérimenté plusieurs fois. Un jour, mon grand aigle réussit à s’enfuir. Quand j’arrivai le matin, je le vis sur un toit : il n’avait pas osé aller plus loin. Je n’eus rien de plus pressé que de lui montrer sa pitance. Il revint tranquillement en ramant et rentra la manger. Un busard Montaigu que j’avais lâché exprès, resta une quinzaine de jours en vue et ne voulait pas se décider à partir. Voilà donc deux oiseaux, possédant leurs ailes au complet, qui, par le fait de la stabilisation prolongée, ont perdu confiance en leurs organes de locomotion.

L’homme fera assurément encore bien plus mal que l’oiseau. Ce n’est que lentement qu’il s’accoutumera à cet exercice insolite. Ne vous découragez donc pas des premiers insuccès, persévérez et dites-vous que la science du vol ne vient que lentement, même aux oiseaux.

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