Page:Le vol sans battement.pdf/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
LE VOL SANS BATTEMENT

Cette expérience précède de quelques jours celle que j’indique dans l’Empire de l’Air et qui se termina par un petit accident [1].

J’avais réussi, à force de combinaisons profondes et un déploiement de roueries à n’y pas croire, à être seul dans la ferme. J’avais déjà essayé les effets de mon appareil, sauté de quelques mètres de hauteur, je voyais qu’il portait, mais je n’osais expérimenter devant le public de chez moi ; et le temps me durait de mieux voir ce que cet aéroplane était capable de faire.

J’avais donc envoyé tout mon monde... à la campagne, et je me promenais dans la prairie avec mon appareil sur les épaules, courant contre le vent et étudiant son action de soutènement. Le vent était presque nul, la brise n’était pas encore levée, et je l’attendais.

Près de là se trouvait une route qui s’élevait d’un mètre et demi au-dessus de la plaine ; elle avait été ainsi exhaussée par l’apport des fossés de trois mètres de largeur qui la bordaient.

L’idée me vint de sauter ce fossé.

Sans mon appareil je le franchissais facilement, je voulus essayer de le faire muni de mon aéroplane. Je courus donc sur le travers de la route et je sautai le fossé comme à l’ordinaire. Mais, oh horreur ! arrivé sur l’autre bord, mes pieds ne touchèrent pas le sol. Je courais sur l’air, faisant des efforts inutiles pour atterrir : mon aéroplane était fixé. Je n’étais qu’à un pied

  1. Voici le passage auquel il est fait allusion : « Il y avait du bon dans cet aéroplane, mais il avait été fait trop précipitamment. − L’essai fut fait par un vent trop fort ; je ne voulais pas me montrer, je fus obligé de saisir un moment où j’étais seul... Je me suis mis donc dehors avec mon appareil, je courus contre le vent : la sustentation était très forte.
    « Je n’avais pas confiance, je l’ai dit, en la solidité de mon aéroplane. Un coup de vent violent survint : il m’enleva ; je pris peur, je cédai devant lui et me laissai renverser. J’eus une épaule luxée par la pression des deux ailes, qui avaient été ramenées l’une contre l’autre comme celles d’un papillon au repos. » (L’empire de l’Air, p.248).