Page:Le vol sans battement.pdf/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
ETUDES D’OISEAUX

côte. Pour le voir chez lui, il faut l’étudier en Egypte ; là est sa vraie station d’hiver. Il y vient depuis Ménès, et de cette époque date un traité passé entre lui et ce pharaon : je ne me souviens plus à quel propos la légende raconte ce fait, mais il y a à ce sujet une histoire dans laquelle le héros est un héron blanc. Tant est que fellah et garde-bœuf sont, depuis cette époque, une paire d’amis.

On est étonné de la bonne familiarité, de la confiance placide de cet oiseau. La corneille est certainement peu timide, mais ses yeux pleins de malice indiquent qu’elle se fie bien plus à sa jugeotte qu’à la bonté de l’homme ; pour notre petit héron, c’est différent, c’est la confiance simple et naïve qui le pousse à vous attendre à dix mètres. Cette mesure de longueur est à l’usage de l’Européen, habillé de noir, qui est méchant, cruel, qui tue les charmants oiseaux de la nature pour satisfaire un simple caprice, mais pour l’homme à la chemise bleue, la mesure est bien plus courte : elle se restreint presque jusqu’au contact exact. Aussi voit-on souvent le fellah, qui arrose son blé ou son bersime, être entouré de ces oiseaux qui se promènent gravement en rond autour de lui. L’homme des champs aime ce compagnon silencieux, qui est comme lui ordinairement les pieds dans l’eau ! il se distrait à le regarder chasser les vers que sa pioche ou sa charrue retournent au jour.

Nous n’avons pas su nous autres, gens du Nord, inspirer cette confiance, surtout nous Français, avec nos mœurs brouillonnes ; nous avons réussi à être craints de tout ce qui a plumes. Quel oiseau libre ose venir avec nous ? La cigogne nous a fuis. La corneille se gare de nous comme de la peste ; les merles ont peur d’être dénichés. Le coucou, malgré qu’il n’ait pas cette crainte, préfère cependant les grands bois de la Germanie où il