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LE VOL SANS BATTEMENT

Voici donc quatre constructions pareilles qui, par le seul fait de leur correspondance à quatre masses différentes, ont quatre modes différents de se mouvoir. C’est toujours l’influence de la masse qui agit, le plus lourd est toujours en bénéfice de translation et en même temps en économie de dépense de force.

Mais laissons l’albatros et ses béatitudes dans le mouvement pour retourner à nos gracieux coureurs de vagues.

Quelles curieuses voix ils ont ces espiègles de l’onde ! on dirait des cris de poulie mal graissée ! D’autres fois ce sont des bêlements de chèvre ou des vagissements d’enfant. En écoutant bien on saisit des mots, ce sont assurément des paroles que l’on croit comprendre ; ce qui explique que des gens superstitieux comme les marins puissent voir en eux les âmes des noyés.

Certains jours, en mer, dans le voisinage des îles, assis à l’arrière du paquebot, quel est le voyageur qui n’a passé de longues heures à les contempler ? Ils suivent le bateau en se tenant à une quinzaine de mètres en l’air, et de là plongent les ailes à demi-ployées en faisant des contorsions curieuses sur les débris jetés des cuisines du bord. Quand ils sont nombreux et qu’ils piquent tous ensemble, on dirait une chute de gros flocons de neige.

Puis ces poursuites quand l’un d’eux a trouvé un morceau trop gros pour être avalé sur le champ. Ce morceau abandonné, qui retombe à la mer, aussitôt repêché et aussitôt relaché, passe de bec en bec, jusqu’à ce qu’enfin, un gros manteau noir, un vieux forban des mers, l’écumant depuis Dieu sait quand, s’en empare, et défie alors toute la gent piauleuse.

Il y a des heures où la vie est abondante, c’est le matin ; mais quand le maître-coq prend son vermouth, quand les marmitons causent et jouent avec les mate-