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LE VOL SANS BATTEMENT

gorge. Peut-être ont-ils la faculté d’arrêter la digestion de leur estomac ; je le crois, mais n’en suis pas certain. C’est à peu près tout ce que je sais de la vie de famille de cet oiseau.

Il n’est pas facile de pénétrer dans le gynécée de cet animal. Pour pouvoir l’étudier avec succès, il faudrait une très puissante lunette et une position spéciale, plongeante ; mais au fait, cela n’aurait d’intérêt que pour l’ornithologie ; cet oiseau ne nous intéresse pas par son procédé de nidication mais par son vol. Revenons-y.

Tout est merveilleux dans ce vol ! Toute allure est anormale, hors nature, n’ayant rien de semblable dans le monde des volateurs. Prenons, par exemple, un fait bien simple : le vol rectiligne. Rien dans la création ne procure l’impression que donne cette célérité régulière, immuablement fixe. Je ne vois que la locomotive, œuvre humaine, courant sur une voie droite qui rende cet effet. L’aigle, la cigogne, le milan, le goëland, ne ressemblent pas plus comme tournure de translation au vautour se rendant à un point désigné qu’ils ne ressemblent eux-mêmes à la caille ou à l’alouette.

Quand, au moyen d’une bonne lunette, on peut l’étudier de près dans cette course extra-rapide, et qu’on le voit de face ou d’arrière, le bout des ailes offre un spectacle curieux ; la pointe des rémiges disparaît, on les voit tellement vibrer que leurs extrémités deviennent invisibles. J’avais déjà vu cet effet avant de connaître le vautour ; un peintre, un observateur, Paul Flandrin, m’avait montré sur ses tableaux ce phénomène de vibration. Je l’avais vu sur ses toiles mais nullement saisi. Je sentais qu’il avait voulu rendre un effet que j’ignorais. Depuis lors, j’ai eu grandement l’occasion de l’observer sur nature et je dois dire que comme tournure pittoresque, il est bien curieux.

Cet aspect est pour nous, aviateurs, mécaniciens, une