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LE VOL SANS BATTEMENT

les il y a loin. Compter juste donne des produits sérieux comme les chiffres, établir une équation sur la pointe d’une aiguille, donne le même résultat que quand on bâtit sur le sable. Donc, pour faire de bon algèbre, il faut de bonnes bases et vous ne les trouverez que dans la bonne observation.

En résumé, à mon sens, on ne possède pas encore les données qui permettent d’utiliser les mathématiques. Puis, les possèderait-on qu’elles n’avanceraient pas d’un pas une question où tout acte est un acte de vie, par conséquent impossible à remplacer.

Cette sainte horreur que j’ai de l’algèbre mal employée date de loin ; jugez, lecteur, si j’ai raison de ne pas l’aimer. Il y a trente-cinq ans que le fait s’est passé, et je l’ai encore présent à ma mémoire comme s’il datait d’hier.

J’avais vingt ans, l’âge des grandes conceptions, des désirs violents, et j’aimais l’aviation comme on aime à cet âge. Je ne le cachais pas à ma famille. Mon père, homme instruit, me regardait penser sans intervenir. Il se prêtait même, de bonne grâce, à mes dépenses pour les oiseaux, et n’intervenait en rien dans mes faits et gestes.

Ainsi, j’avais accaparé les greniers de la maison, qui étaient très grands, vendu tout ce qu’ils contenaient pour faire place nette, et il n’avait rien trouvé à redire ; trouvant probablement qu’il vaut mieux qu’un jeune homme s’occupe, même d’aviation, que de trop se dissiper à abuser de la vie.

Mais un jour cependant il me dit, me tendant un livre : mon pauvre enfant, les beaux rêves sont finis, lis leur condamnation ; et il me remit l’Année scientifique de L. Figuier qui venait de paraître. Voici en substance ce que j’y lus :

«L’illustre Lalande, dans le Journal des Savants, an-