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Sur l’immense amas de décombres créé par l’incendie, on put dresser un plan général de reconstruction, tracer les rues rectilignes qui font aujourd’hui l’ornement de Rennes et établir un système d’égouts[1]. On put aussi imposer aux architectes des conditions qui donnèrent aux quartiers nouveaux un heureux cachet d’uniformité ; on exigea que les maisons eussent au moins deux étages sur les rues et trois sur les places, que les toits fussent à la Mansard et les rez-de-chaussée à arcades de granit : on voit encore derrière les boiseries de nos magasins modernisés les arcades prescrites par ces règlements[2].

Le plan général de reconstruction a été dressé par l’ingénieur Robelin et légèrement modifié par Gabriel en 1725 ; ce plan n’embrassait pas seulement les quartiers incendiés, il prévoyait aussi une modification complète de la ville basse, qui devait devenir à peu près ce qu’elle est aujourd’hui. La ville basse, c’est-à-dire la partie au sud de la Vilaine épargnée par le feu, était dans un état encore plus déplorable que la ville haute avant l’incendie ; ses rues, d’après un Mémoire adressé en 1757 à la Communauté de Ville, par l’ingénieur Chocat de Grand-Maison, étaient « sinueuses et très étroites, à peine deux voitures peuvent elles passer de front dans les parties les plus larges, les détours continuels donnent lieu à des accidents presque journalliers »[3].

En outre, la ville basse était resserrée entre deux bras de la Vilaine (l’un remplacé par les quais actuels et l’autre par le boulevard de la Liberté), et traversée par deux autres bras plus petits ; le ruisseau de Joculé (sur la rue de la Chalotais), et le ruisseau de Brécé (sur la rue Poullain-Duparc) ; ces cours d’eau contribuaient considérablement à rendre le quartier malsain. Un rapport présenté le 15 août 1769 à la Communauté de Ville[4] s’exprime ainsi : « La Vilaine n’étant pas assujettie par des bords suffisamment élevés, se répand lors des moindres crues bien au-delà des bornes de son lit et inonde les rues ; les passages publics, le rez-de-chaussée et les caves des maisons de la basse ville. Pendant les étés, les eaux de cette rivière, divisées en plusieurs canaux,… couvrent à peine un tiers de la superficie du lit ordinaire et de l’étendue des fossés ; elles y croupissent avec les immondices dont elles sont chargées ; ce limon liquide produit des vapeurs et des exhalaisons putrides qui infectent l’air que l’on respire dans la ville et aux environs, et causent de dangereuses et fréquentes maladies. Pendant cette saison et souvent dès la fin du printemps, il n’est plus possible d’introduire les bateaux

  1. Arch. mun., 221. - Arch. dép., Intendance, C, 283.
  2. Arch. dép., Intendance, Monnaie de Rennes, C, 1859. - Histoire de Rennes, par Marteville, I, 251.
  3. Arc. dép., Intendance, C, 251.
  4. Arch. mun., 129