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tomba en foiblesse et rejetta en même tems par la bouche, non seulement la thériaque qu’il avoit prise, mais tout ce qu’il avoit mangé à dîner, qui n’étoit pas encore digéré ; nous courûmes à son secours, et le trouvâmes si abattu, qu’il luy fut impossible de remonter à la chambre, d’où il étoit descendu.

Comme son pouls étoit toujours petit, profond, fréquent et inégal et que ses défaillances étoient continuelles, aussi bien que ses sueurs froides, on trouva à propos de lui donner une dragme de poudre de vipère dans de l’eau thiériacale et de chardon bénit, et de luy appliquer un grand épithéme de thériaque sur le cœur etsur l’estomach, mais il rejetta d’abord ce qu’il venoit de prendre : Quelqu’un voulut aussi luy donner de l’orviétan mêlé avec de la nouvelle poudre de vipère, il les vomit tout de même, et pria qu’on le mit sur un lit, et qu’on luy donnât d’autres secours. Pendant tout cola, il ne manquoit ni de connoissanco, ni de bon raisonnement, nonobstant la foiblesse de son corps, et il avoit eu grande répugnance à l’orviétan, pour ce qu’il n’y ajouloit point de foy, et il ne consentit à le prendre que par déférence à quelques-uns de ceux qui étoient présens, qui luy en avoient fait instance.

Ce vomissement ne donnant pas le tems aux remèdes de porter, ni de communiquer leur vertu aux parties nobles ; je crus fort à propos de recourir au sel volatile de vipères, parce qu’étant tout volatile et tout propre à être promptement porté à toutes les parties, même les plus éloignées, le malade en pourroit plûtôt et plus à propos ressentir les ellets, que tous les autres remèdes plus grossiers, lesquels ayans été rejettez, dès qu’ils étoient entrez dans son corps, n’avoient pas eu le tems d’être réduits en acte par l’estomach, ni de communiquer leur vertu aux parties qui en avoient besoin.

Je fis donc dissoudre une dragme de ce sel volatile de vipères dans de l’eau thériacale, et de l’eau de chardon bénit, et je luy donnay environ le quart de ce mélange ; il le garda quelques moments, puis il en vomit une partie, mêlées avec plusieurs flegmes fort visqueuses ; je luy fis prendre encore une pareille quantité du même mélange qu’il garda encore quelque peu de tems, et après il revomit ce qui en pouvoit être resté dans son estomach, et parmy cela toujours plusieurs flegmes. On continua à lui redonner de ce mélange de tems en tems, à mesure qu’il l’avoit roeomy, et même on luy donna plusieurs lavements, pour appaiser les douleurs violentes et obstinées qu’il sentoit à l’entour du nombril.

Ses lèvres étoient toujours fort tuméfiées, son pouls fort mauvais