Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Scheurer-Kestner et qu’il n’eut avec lui aucune communication directe ou indirecte. Quant à l’accusation de faux dirigée contre le colonel Picquart au sujet du petit bleu, elle a été complètement abandonnée ; car, s’il se trouve à cet égard quelques insinuations dans le rapport du commandant Ravary le colonel Picquart a passé récemment devant un Conseil d’enquête et, parmi les faits précis qui lui ont été reprochés, il n’a pas été même question de la possibilité d’un faux en ce qui concerne le document en question.

M. le Président. — Qu’est-ce que vous en savez ?

M. Leblois. — Monsieur le Président, je le sais de la façon la plus certaine et la plus naturelle ; j’ai comparu comme témoin devant le Conseil d’enquête.....

M. le Président. — Est-ce que vous êtes resté tout le temps de l’audience ?

M. Leblois. — Non, monsieur le Président ; mais j’ai connaissance des faits qui ont été reprochés au colonel.

M. le Président. — Vous dites que vous en avez connaissance ; mais vous ne le savez pas par vous-même, puisque vous n’y étiez pas.

M. Leblois. — Le colonel Picquart s’expliquera là-dessus.

Me Labori. — Vous me permettrez, monsieur le Président, de faire observer que les témoins doivent bénéficier ici du droit de faire leur déposition sans être interrompus, aux termes de l’article 315 du Code d’instruction criminelle. Je revendique ce droit pour M. Leblois. Quant au fait qu’il affirme, il ne s’agit pas de savoir comment il le sait, mais si ce fait est vrai.

M. le Président. — Permettez, maître Labori, je suppose que le Président a le droit d’interroger les témoins.

Me Labori. — Il n’a pas le droit de les interrompre.

M. le Président. — Je n’ai pas interrompu M. Leblois ; mais je lui ai demandé des indications sur un point qu’il est nécessaire de connaître. Je continuerai encore, soyez tranquille.

Me Labori. — Je n’ai pas la prétention de discuter avec vous les devoirs du Président des assises, vous les connaissez mieux que moi. J’ajoute que je suis tout prêt à rendre hommage à la grande impartialité avec laquelle vous voulez bien jusqu’à présent diriger les débats.

Mais, d’un autre côté, nous sommes dans une affaire où il nous est impossible de nous laisser retrancher la plus petite parcelle de notre droit. On nous enlève ici toutes les facultés qu’on peut nous enlever. Nous sommes en présence d’un témoignage qui a le droit de se produire : nous demandons qu’il se produise librement et en toute indépendance. Or, l’article 315 du Code d’instruction criminelle autorise les témoins à faire leur déposition sans être interrompus, sans préjudice du droit qu’a le Président de leur poser, mais seulement après leur déposition, toutes les questions qu’il juge convenable.

M. le Président. — C’est ce que je viens de faire.

Me Labori. — La déposition de M. Leblois n’est pas finie ; il