Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. l’Avocat général. — Je demande alors que l’audience soit suspendue.

Me Labori. — Je prie la Cour de faire entendre Mme Dreyfus.

(Mme Dreyfus est introduite.)


DÉPOSITION DE Mme ALFRED DREYFUS
Incident.

M. le Président. — Quelle question, maître ?

Me Labori. — Je voudrais que Mme Dreyfus ait la bonté de nous dire ce qu’elle pense de la bonne foi de M. Emile Zola, et, à ce propos, de nous faire savoir dans quelles conditions, en 1894, elle a appris l’arrestation de son mari, et quelle a été, à ce moment, l’attitude de M. le colonel du Paty de Clam, qui n’était encore que commandant.

M. le Président. — Quel rapport cela a-t -il avec l'affaire ?

Me Labori. — Cela a un étroit rapport avec la bonne foi de M. Emile Zola.

M. Zola. — Je demande à avoir ici la liberté qu'y ont les assassins et les voleurs. Ils peuvent se défendre, faire citer des témoins et leur poser des questions.

Moi, tous les jours, on m’injurie dans la rue, on casse mes carreaux, on me roule dans la boue, une presse immonde me traite comme un bandit. J’ai le droit de prouver ma bonne foi, de prouver ma probité et de prouver mon honneur.

M. le Président. — Vous connaissez l’article 52 de la loi de 1881 ?

M. Zola. — Je ne connais pas la loi et ne veux pas la connaître... (Bruit dans l’auditoire)... en ce moment-ci. Je fais un appel à la probité de MM. les jurés. Je les fais juges de la situation qui m’est faite et je m’en remets à eux.

M. le Président. — Je vous rappelle les termes de l'arrêt que la Cour a rendu hier, les dispositions de l’article 52 de la loi de 1881 et les termes de votre citation. N’en sortons pas. Toute question qui en sortira ne sera pas posée par moi. Que ce soit bien entendu. Inutile d’y revenir.

M. Zola. — Je demande à être ici traité aussi bien que les assassins et les voleurs, qui ont le droit de faire la preuve de leur probité, de leur bonne foi et de leur honneur !

Me Labori. — Voulez-vous me permettre de préciser la portée de mes questions ?

M. Emile Zola, pour prendre les choses d'une manière résumée et succincte, a formulé, dans les passages poursuivis de sa lettre, deux affirmations : il a affirmé que le Conseil de guerre de 1894 avait, en la personne de l’ex-capitame Dreyfus, condamné un innocent par une illégalité...