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Me Labori. — Monsieur le Président, M. le commandant Esterhazy d'après ce qui m’a été rapporté, était hier présent dans la salle des témoins. Il était donc, à ce qu’il semble disposé à se présenter devant la Cour. Il s’y refuse aujourd’hui Il ne m’appartient pas de rechercher quelles sont les causes de ce changement de conduite.

Je n’ai pas consulté M. Zola sur l’attitude qu’il convient de prendre dans cette situation, mais je prends sur moi de faire immédiatement connaître à la Cour une décision qui, j’en suis convaincu, sera approuvée par mon client,

M. Zola. — Absolument..., à l’avance.

Me Labori. — C’est un sentiment de haute justice qui nous a conduits à appeler ici M. le commandant Esterhazv. Il n'y sera point un accusé : il est acquitté, il peut invoquer, lui aussi, le bénéfice de la chose jugée. Mais il est certain que, ne fut-ce qu’au point de vue de la bonne foi de M. Emile Zola, il sera question de M. le commandant Esterhazy. Nous n’avons pas cru qu’il nous fût possible de nous expliquer ici, avec toute l'autorité qui doit être attachée à des paroles que nous prononcerons avec une modération et avec une prudence qui n’auront d’égales que notre résolution et notre énergie, sans y avoir appelé M Esterhazy. Il refuse d’y venir : nous parlerons sans lui.

M. le Président. — Alors, vous n’insistez pas ?

Me Labori. — Nous n’insistons pas.

Me Clemenceau. — Au nom du gérant du journal l'Aurore j'insiste pour que le commandant Esterhazy soit réassigné et, s’il ne répondait pas à cette seconde assignation, je demanderais à la Cour qu’il soit amené devant elle par la force armée.

M. le Président. — J’ai reçu également une lettre de Mme veuve Chapelon, qui nous dit qu’elle est retenue à la chambre par une attaque d’influenza.

Me Clemenceau. — Nous demandons qu’elle soit réassignée.

Mme Chapelon s’est présentée aux bureaux du journal l'Aurore, il y a huit jours ; c’était après la notification. Elle venait prier qu’on la rayât de la liste des témoins. Elle donnait cette raison qu’elle sollicitait pour son fils une bourse à Chaptal et que, si elle venait pour déposer, on ne lui accorderait pas cette bourse. M. Perrenx, gérant du journal l’Aurore, lui a répondu que ce n’était pas une raison suffisante, que ce qu’on lui demandait, c’était, devant la Cour d’assises, de venir dire la vérité. Elle s’en est allée en tapant les portes et en disant : « Si vous me faites venir, je dirai le contraire de la vérité. »

J'insiste pour que ce témoin vienne.

M. le Président. — Il y a un certificat de médecin.

Me Clemenceau. — Je demande qu’un médecin expert soit envoyé. Celui qui verra Mme de Boulancv pourra la voir également.

M. le Président. — J’ai aussi une lettre du commandant Rivais, du 12e d’artillerie.

Me Labori. — C’est entendu.