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que M. le commandant Esterhazy a hautement, audacieusement dénoncé de ce chef, eh bien ! dis-je, M. Emile Zola pense que, loin que la dame voilée sorte de l’entourage de M. le colonel Picquart, elle sort ou de l’entourage de certains membres de l’état-major, ou de l’entourage de M. le commandant Esterhazy lui-même.

Eh bien ! cette dame voilée, dont on a si facilement accepté l’existence et les actes, il faudra pourtant ici qu’on s’en explique ! Car, enfin, comment voulez-vous que nous démontrions qu’on a acquitté un coupable, qu’on a acquitté un coupable par ordre, si nous ne commençons pas par établir que celui dont il s’agit est coupable, et par établir par conséquent les diverses circonstances desquelles sa culpabilité pourra ressortir.

Il nous appartient, dans ces conditions, d’examiner dans le détail, afin de faire la lumière complète, des points qui ne concernent en rien la défense nationale dont on a d’ailleurs abusé ; il nous est permis, cela est incontestable, de faire la lumière sur les moyens de défense du commandant Esterhazy, qui ont été accueillis par le Conseil de guerre avec une facilité qu’on ne rencontrera pas devant MM. les jurés.

Me Clemenceau. — Devant le Conseil de guerre, il a été question de la dame voilée dans l’interrogatoire de M. le commandant Esterhazy, et on la prenait si bien au sérieux à ce moment-là que M. le Président du Conseil de guerre, M. le général de Luxer, a demandé aux témoins s’ils pourraient donner des indications sur la dame voilée ; j’en conclus que si de ce côté de la barre nous entendons faire entendre des témoins qui déposeront de faits, on ne peut pas nous demander de renoncer à nos témoins.

Au point de vue de la lettre de M. le commandant du Paty de Clam, disant qu’il ne peut pas venir déposer parce qu’il était officier de police judiciaire dans la première instruction, la Cour pourrait peut-être se souvenir que, dans cette enceinte, on a entendu, dans une affaire Prado, M. le juge d’instruction Guillot, qui est venu déposer des faits qui se sont passés dans son cabinet : il était donc témoin comme juge d’instruction.

Le Président des assises était un magistrat de Paris. Or, ce qu’on a fait dans l’affaire Prado, on peut le faire dans les débats actuels, et je ne vois pas pourquoi on n’entendrait pas M. le commandant du Paty de Clam parce qu’il a joué un rôle dans une autre enquête.

M. le Président. — Vous déposerez des conclusions.

Me Labori. — J’ajoute un mot. Mon intention était de ne pas parler sur ce point avant d’avoir entendu M. du Paty de Clam : j’y insiste dans mes conclusions.

Me Clemenceau. — Ceci n’a aucun rapport avec l’affaire Dreyfus.

M. le Président. — M. du Paty de Clam dit en effet qu’il a rempli les fonctions d’officier de police judiciaire dans l’affaire