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ressé comme témoin au sujet d’une instruction qui n’est pas terminée, ouverte sur la plainte du lieutenant-colonel Picquart. Ici, la réponse est manifeste et directe ; il ne peut y avoir ni embarras ni confusion à faire entre M. Zola et le gérant de l’Aurore, d’une part, et de l’autre le colonel Picquart. Celui-ci a déposé une plainte qui s’instruit régulièrement et lui seul aura qualité pour y intervenir s’il le juge à propos, mais cette procédure est une procédure de tiers par rapport aux prévenus.

Dans ces conditions, à aucun point de vue, les observations qui viennent de vous être présentées ne me paraissent fondées.

Me Labori. — La Cour veut-elle me permettre de répondre très brièvement à M. l’Avocat général pour lui fournir quelques indications sur les faits à propos desquels M. Zola voulait faire entendre M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam et sur le lien qui les rattache au jugement du 11 janvier 1898 ?

En 1892, M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam, qui n’avait pas alors le grade auquel il est parvenu depuis, était très lié avec la famille de Comminges, chez laquelle fréquentait d’ailleurs M. le lieutenant-colonel Picquart. Mlle Blanche de Comminges et son frère M. le capitaine de Comminges sont cités au procès.

M. le Président. — Je regrette de vous dire que Mlle de Comminges est malade et qu’elle a envoyé un certificat de médecin.

Me Labori. — Nous espérons qu’elle sera rétablie d’ici quarante-huit heures.

Il y a beaucoup de malades dans ce procès ! Nous nous expliquerons sur tout ce qui se passe et sur ce qui empêche les témoins de venir, et nous dirons toutes les intimidations et les menaces qui sont faites.

M. l’Avocat Général. — Ah !...

Me Labori. — Pas par le Parquet, monsieur l’Avocat général. Nous constatons quelle passion on met à empêcher la lumière de se produire ; messieurs les jurés, vous le retiendrez.

Je continue et ne dirai rien qui puisse offenser personne dans le cas présent. Mlle de Comminges a connu M. le lieutenant-colonel Picquart et M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam. Au moment où la campagne relative à M. le commandant Esterhazy a commencé, M. le lieutenant-colonel Picquart a reçu en Tunisie deux dépêches singulières ; dans l’une on disait en substance : « Tout est découvert, arrêtez Demi-Dieu. — (Signé) : Speranza.»

La Cour se rappelle que c’est là une signature qu’on a trouvée déjà dans les débats du procès Esterhazy. L’autre dépêche disait en substance ceci : « On sait que Georges (c’est M. le lieutenant-colonel Picquart qui s’appelle ainsi) est l’auteur du petit bleu : tout est découvert. (Signé) : Blanche. » Blanche, cela voulait dire Mlle Blanche de Comminges, et ce qui prouve bien que les autorités militaires l’ont ainsi compris, c’est qu’elles ont fait demander à Mlle Blanche de Comminges certains spécimens de son écriture. Celle-ci a protesté et a déposé une plainte ainsi