Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/53

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sur le bureau de la Cour les conclusions dont lecture vient d’être donnée.

Me Cabanes — Je demande à la Cour la permission le développer en quelques minutes les motifs des conclusions des experts.

Me Labori. — Je me permettrai d'adresser une prière a la Cour.

Nous étions en présence d’un incident que M. l'Avocat général venait de soulever : en voici un autre. Je n'en fais pas grief à mon confrère ; je ne lui fais même pas grief dans un débat criminel de cette nature, de ne m’avoir pas fait l'honneur de me communiquer des conclusions qui ne sont pas de ce matin puisqu’elles sont autographiées : nous ne sommes pas ici pour nous faire des politesses : seulement, je demanderai à la Cour de vouloir bien, ou statuer dés à présent sur le premier incident soulevé, ou en tous cas, si mon honorable contradicteur, avec l’assentiment de la Cour, croit devoir s’expliquer immédiatement, de vouloir bien nous autoriser à prendre, d'accord avec mon confrère Clémenceau, une délibération sur le nouveau point soumis à votre appréciation.

M. le Président. — Vous demandez que la Cour surseoie a statuer postérieurement ?

Me Cabanes. — Messieurs, je voudrais, en très peu de mots, avec la simplicité et la brièveté qui sont de mise, je crois, devant la Cour d’assises comme devant les Conseils de guerre, énoncer les quelques motifs juridiques qui nous ont amenés à déposer les conclusions dont je viens de vous donner lecture. Je me tiendrai d’ailleurs dans les termes stricts de l'incident qui a motivé le dépôt de ces conclusions, et je n’entends en rien toucher au fond du procès à propos de l’intervention de MM. Belhomme, Varinard et Couard, experts en écritures.

D’ailleurs, si l’incident qui vient de naître procédait de noire seul vouloir, au lieu d’avoir été causé par la volonté de nos adversaires, j’aurais à m'excuser ici, près de tous, de retarder ainsi, ne fût-ce que d’une minute, l’heure par tous si impatiemment attendue où justice sera enfin rendue à qui elle est due.

Il a plu aux deux prévenus — et leur prétention, disons-le bien haut, n’avait rien qui pût déplaire, si elle avait été compatible avec le respect dû à la loi — il leur a plu de nous enserrer dans les liens d’une prétendue connexité que nous estimerions des plus honorables si elle n’était illégale : et de même qu'ils nous avaient confondus avec ce que la France a de meilleur et de plus respectable, avec les chefs de l’armée, dans un même écrit de haine, d’outrages et d’insultes, de même ils viennent annoncer que la preuve sera faite de notre déshonneur en même temps que du crime de ceux qui auraient acquitté sciemment un coupable.

En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse au 29 juillet 1881,