Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui trahit l’auteur exact du bordereau ; il y a un blanc entre la ligne 29 et le dernier alinéa.

Un autre trait d’identité, Messieurs ! Je vous ai dit que M. Esterhazy ne laisse pas de blanc au commencement de ses alinéas, et c’est là un caractère très curieux. Il en est de même dans le bordereau. Mais, si vous prenez, par hasard, l’intérieur des phrases, à l’intérieur d’un alinéa, vous remarquerez, par exemple, à la ligne 18, et il suffit de mesurer avec une réglette ordinaire, vous remarquerez, entre le mot jours et le mot Le, un intervalle de 10 millimètres entre les deux phrases du même alinéa. De même, un intervalle de 10 millimètres, entre les mots :je prendrai, et les mots : A moins que. Il y a là un intervalle de 10 millimètres dans le même alinéa, alors qu’il ne laisse pas de blanc dans l’alinéa.

Je vois que cette particularité est très caractéristique et je la retrouve constamment chez M. Esterhazy. Il laisse des blancs de 10 millimètres entre deux phrases du "même alinéa. Prenez par exemple — il vous suffira de mesurer avec n’importe quelle réglette — prenez la page 1, ligne 11, vous trouverez entre les deux alinéas 10 millimètres de blanc.

Je remarque aussi, comme caractère général établissant l'identité des écritures, je remarque une grande variabilité dans les traits ; vous avez chez Esterhazy des lettres qui ont ce qu’on appelle une amplitude verticale de 9, 10, 11 millimètres, et à côté de ces lettres ayant 11 millimètres d’amplitude verticale, vous trouvez des lettres n’ayant que 2 millimètres d’amplitude verticale ; aussi lorsqu’on interrogeait M. Esterhazy, disait-il : « Mon écriture est extrêmement fantaisiste. » C’est très vrai, mais l’écriture du bordereau est aussi extrêmement fantaisiste.

Prenez le bordereau, voici le mot frein, la lettre f est une des plus longues lettres du bordereau, le mot frein a une amplitude de 9 millimètres, et si vous passez à la treizième ligne, et que vous mesuriez le t du mot projet, vous voyez que ce t n’a que 2 millimètres d’amplitude ; il passe de 9 à 2 millimètres.

Prenez maintenant une lettre d’Esterhazy, vous verrez des f de 9, 10 et 11 millimètres d’amplitude verticale, et vous verrez aussi des lettres ne mesurant que 2 millimètres d’amplitude verticale ; c’est ainsi que si vous prenez à la quatrième ligne, le mot temps, par exemple, dans cette phrase : à l'époque de mon mariage et dans le temps qui suivit, vous verrez que le p ne mesure que 2 millimètres. Il y a donc une grande variabilité dans l’écriture, une véritable fantaisie qui montre l’identité des deux écritures.

Si nous prenons alors les caractères généraux de l’écriture, nous remarquons que l’écriture du bordereau, comme l’écriture d’Esterhazy, présente ces deux caractères que je vais vous indiquer et qu’on appelle d’une manière technique, une écriture à traits centripètes, c’est-à-dire qu’il rapproche les traits vers lui, tandis que celui qui a été condamné pour avoir écrit ce bordereau et que je n’ai pas à nommer, a des traits centrifuges,