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général. M. le Procureur général passe pour s’y connaître dans les choses du droit ; il aurait lu l’article de M. Émile Zola et il est vraisemblable qu’il nous aurait assignés pour des faits beaucoup plus nombreux que ceux qui ont été retenus aujourd’hui.

Voilà le premier point. Le second est celui-ci :

M. l’Avocat général, qui connaît la valeur des mots, a commencé ses observations en disant : « Messieurs, je vais vous faire un exposé de l’affaire. » Il a fait un réquisitoire et il a terminé d’une façon qui n’avait pas été annoncée à MM. les jurés ; il a demandé à la Cour de restreindre le débat que nous prétendions apporter à cette barre.

Je demande donc à MM. les jurés de retenir ceci : d’abord que le Parquet général n’est pas libre et qu’il a eu les mains liées dans cette poursuite par le Ministre de la guerre ; ensuite que le premier incident est un incident dans lequel le Ministère public demande à la Cour de restreindre la preuve que nous voulions lui apporter.

Conclusions de Me Labori en réponse à celles de M. l’Avocat général.

Me Labori. — La Cour veut-elle me permettre, comme suite aux observations que je viens de lui présenter, de lui donner lecture des conclusions que je pose en réponse à celles de M. l’Avocat général ?

Plaise à la Cour :

Attendu qu’à la vérité les concluants ont été cités devant la Cour d’assises de la Seine pour y répondre seulement de trois passages de l’article publié par M. Émile Zola dans le numéro de l’Aurore du 13 janvier 1898 ;

Attendu en conséquence qu’il leur appartient de faire la preuve des faits suivants articulés et qualifiés dans la citation :

1o Un Conseil de guerre vient par ordre d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice ;

2o Les magistrats de ce Conseil de guerre ont rendu une sentence inique qui à jamais pèsera sur nos Conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion leurs arrêts. Le premier Conseil de guerre a pu être inintelligent, le deuxième est forcément criminel ;

3o Le deuxième Conseil de guerre a couvert une illégalité par ordre en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable ;

Mais attendu, d’autre part, que l’illégalité qui aurait été commise lors du jugement rendu en 1894 contre le capitaine Dreyfus, aussi bien que l’acquittement prononcé en 1898 en faveur de M. le commandant Esterhazy par le premier Conseil de guerre, dans des conditions que les concluants se réservent d’établir, ont été la suite et la conséquence d’un ensemble de faits dont il est nécessaire de suivre l’enchaînement pour arriver à la démonstration des imputations relevées par M. le Procureur général ;

Attendu qu’il est indispensable, pour arriver à cette preuve, de