Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/497

Cette page n’a pas encore été corrigée

Me Labori. — Si je suis bien renseigné, c’est une question de prudence qui aurait empêché le témoin de déposer ?

M. Crépieux-Jamin. — Oui, je n’aime pas trop qu’on casse les carreaux de ma maison. (Rires.)

Me Labori. — Je précise ma question : M. Zola avait fait demander à M. Crépieux-Jamin de déposer comme témoin dans l’affaire actuelle. M. Crépieux, qui avait fait connaître son opinion comme expert au profit de la famille Dreyfus, a refusé de déposer. Je lui demande pourquoi ?

M. Crépieux-Jamin. — D’abord parce que je ne suis pas un expert en écritures professionnel. Celui qui est professionnel dans cette partie a un devoir professionnel à remplir. Je répète que je suis médecin-dentiste ; je suis dans cette affaire en amateur. Quand on m’a demandé un premier rapport, je l’ai fait parce qu’il me convenait de le faire ; quand on m’en a demandé un second, j’ai refusé de le faire, parce que cela ne me convenait pas et que j’y voyais un danger pour ma situation. Je ne voulais pas qu’on vînt me dire : « Vous avez fait ces choses !... Nous ne viendrons plus chez vous nous faire soigner les dents. »

.Me Labori — Au fond, le témoin a préféré ne pas venir, par prudence, et s’il vient aujourd’hui, c’est parce que M. Teyssonnières l’y a obligé.

Le témoin n’a-t-il pas vu les photographies qui étaient entre les mains de M. Teyssonnières ?

M. Crépieux-Jamin. — Je les ai vues, et ces photographies sont semblables à la reproduction du Matin. Il est incompréhensible qu’on le nie !

Un fait, cela a la vie dure, cela finit toujours par se manifester. Eh bien ! un moment viendra, tôt ou tard, où la photographie originale du bordereau sera entre les mains de tout le monde et ou les personnes qui ont soutenu que ces fac-similés étaient faux s’apercevront qu’elles ont commis une imprudence extrême qui met leur honneur en cause.

Me Labori. — M. Crépieux-Jamin peut-il dire la différence qu’il y a entre les photographies officielles et le fac-similé du Matin ? M. Crépieux-Jamin a eu ces fac-similés entre les mains ; il les a comparés, chez M, Teyssonnières, avec les photographies officielles ; s’il y a des différences, en quoi consistent-elles ?

M. Crépieux-Jamin. — La différence est faible ; elle est plus ou moins accentuée suivant qu’on examine le bon ou le moins bon tirage du Matin. J’estime qu’au journal le Matin, il a dû y avoir plusieurs clichés. Un de ces clichés a dû recevoir à la partie inférieure droite un coup qui a fait qu’un certain nombre de mots sont écrasés. Le reste, dans les bons tirages, est tellement typique qu’il n’y a pas la plus petite différence. On peut dire que c’est identiquement la photographie.

Du reste — j’ai lu cela dernièrement et cela m’a beaucoup frappé — s’il y avait ici un faussaire, ce serait le soleil, parce que ces choses sont obtenues par des procédés purement méca-