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dire que je venais pour avoir des renseignements, alors que j’ignorais tout à fait qu’il eût ce dossier, et, d’autre part, alors qu’il y avait déjà quinze jours que j’avais moi-même donné mon rapport. Par conséquent, ce n’était pas pour m’éclairer ni pour éclairer M. Teyssonnières.

Comment aurais-je pu dire à M. Teyssonnières : « Je viens » — il ne l’a pas dit d’une façon aussi précise — mais comment aurais je pu lui dire : « Vous auriez pu gagner cent mille francs... ! » Cent mille francs, à propos de quoi ?... A propos d’un rapport fait deux ans auparavant ! Je ne pouvais pas lui offrir cent mille francs à un moment où il n’y avait pas encore d’affaire Esterhazy...

M. le Président. — Il n’a pas dit que c’était vous qui lui aviez offert cent ou deux cent mille francs...

M. Crépieux-Jamin. — Oui, mais l’insinuation tend à dire que j’étais un agent de la famille Dreyfus.

Me Clémenceau. au Président — Le témoin n’était pas présent hier ; il serait peut-être bon de répéter ce qu’a dit M. Teyssonnières.

M. le Président. — Si vous voulez ; mais en deux mots.

Me Clémenceau, au témoin. — M. Teyssonnières a dit que vous étiez arrivé un jour chez lui avec Mme Crépieux-Jamin, et que vous y étiez restés quatre jours ; le quatrième jour, au moment de partir, vous lui auriez dit : « Combien avez-vous touché comme expert de l’affaire Dreyfus ? » Il a répondu : « Deux cents francs » et vous lui auriez dit : « Deux cents francs i... Vous auriez pu toucher cent mille... » et il vous aurait coupé la parole.

M. le Président. — C’est à peu près cela. M. Teyssonnières n’a pas dit que c’était le témoin qui lui avait offert cent mille francs ; M. Crépieux-Jamin aurait dit simplement : « Vous auriez pu avoir cent mille, deux cent mille francs. »

Me Labori. — M. Teyssonnières a dit que, dans cette affaire, M. Crépieux-Jamin « entrait tout doucement comme une vrille. »

Me Clémenceau — Et cela depuis le premier jour.

M. Crépieux-Jamin. — Il y a là un pur roman ; non seulement je n’ai pas dit cela à M. Teyssonnières, mais tout démontre que je ne l’ai pas dit.

M. Teyssonnières, — je reprends le fil de mes idées, — m’avait montré tout le dossier du Conseil de guerre ; nous avons causé longuement du bordereau, et de la reproduction du Matin et de leur différence. Le bordereau reproduit par le Matin n’avait qu’une seule petite différence, c’était qu’au bas, le cliché était légèrement écrasé. Mais ce qui fait que nous avons étudié si longtemps la différence entre le bordereau et la reproduction du Matin, c’est que M. Teyssonnières disait : «Ce qui m’ennuie, c’est qu’on m’accuse ou m’accusera d’avoir fourni le bordereau au journal le Matin. »

Je lui dis : « Pourquoi ? » — « Oh ! dit-il, parce que, d’après