Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/478

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Maintenant je lui demande : l’écriture du bordereau est-elle une écriture déguisée ?

M. Charavay. — Je ne répondrai à aucune question de cette nature, parce que le procès Dreyfus ne me parait pas le moins du monde en cause et parce que je n’ai pas été cité par le Ministère public pour un procès de revision. Moi, expert officiel dans la première affaire, je n’ai pas à reprendre mon expertise, et à donner un témoignage quelconque ici sur des faits de cette nature.

Me Labori. — Alors, je passe. M. l’expert Charavay nous dira-t-il si, lors de cette fameuse affaire, il a opéré des agrandissements du bordereau ?

M. Charavay. — Toutes ces questions reviennent au même. Si je dois ici faire un exposé de cette affaire, alors je n’y comprends plus rien du tout pour ma part, parce que j’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas de revision de procès ici, et que je n’avais pas de témoignage à apporter.

M. le Président. — La Cour d’assises n’est pas, en effet, une cour de revision.

Me Labori, au témoin. — Je vous dirai que ce n’est pas la première fois que l’incident se présente ici avec une netteté particulière.

Au Président. — Je demande donc à M. le Président la permission de faire un effort auprès du témoin. Il ne s’agit pas de Dreyfus, il s’agit du bordereau Erterhazy, qui est le même...

M. Charavay. — Je me déclare absolument incompétent, n’ayant jamais eu cette question à traiter.

Me Labori. — Je ne veux pas insister parce que nous n’en finirions pas. Je vais poser une simple question au témoin, convaincu que celle-ci, ayant un intérêt général, il y voudra bien répondre : M. Charavay condamnerait-il un homme sur un nombre, même considérable, d’expertises... ?

M. le Président. — C’est une question d’opinion que vous posez au témoin.

Me Labori. — Oh !... si vous voulez nous renvoyer chez nous en nous acquittant tout de suite, je ne demande pas mieux et je m’arrêterai là. Mais, puisque M. Charavay ne veut pas déposer sur des faits, je suis bien obligé de lui demander une opinion. Condamnerait-il un homme sur une expertise unique ?

M. Charavay, s’adressant au Président. — Dois-je répondre à une question de cette nature ?

M. le Président. — Je vous y autorise si vous croyez devoir le faire.

Me Clémenceau. — M. Trarieux a répondu sur des questions d’opinion.

M. le Président, au témoin. — Répondez, puisqu’on insiste.

M. Charavay. — Je réponds, avec votre autorisation, monsieur le Président.

Je répondrai purement et simplement que, comme je ne crois pas à mon infaillibilité, et ni à l’infaillibilité de qui que ce soit