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que quand ils sont appelés pour l’affaire pendante. Or, en ce moment, je n’ai pas été cité pour l’affaire pendante ; par conséquent, je n’ai rien à dire.

Me  Labori. — Est-ce que le témoin ne veut pas me permettre de lui faire remarquer que — car, enfin, les règles des experts en écriture sont évidemment un code fort respectable... pour les experts en écriture —, mais MM. les jurés sont une juridiction devant laquelle on a toujours le droit de s’expliquer. Par conséquent, monsieur le Président, j’espère qu’avec un mot de vous, faisant comprendre au témoin que les règles des experts ne s’appliquent pas ici, nous obtiendrons de lui une réponse à cette question si simple.

M. le Président. — Je vous pose la question.

M. Charavay, se tournant vers Me  Labori. — Eh bien ! je continue à répondre que si j’entre dans ces considérations, il faut que vous ayez l’obligeance de me rappeler... C’est une affaire qui date de très longtemps, que je n’ai pas revue, et je demande que vous me produisiez des pièces, car je ne puis faire ici une expertise en écritures.

Me  Labori. — Est-ce que M. Charavay connaît le petit travail de M. Bertillon ?

M. Charavay. — Non, je ne le connais pas, et n’ai pas à le connaître ; ce n’est pas de mon ressort.

Me  Labori, au Président. - Voici, monsieur le Président, un ensemble de spécimens d’écritures qui comprend des facsimilés du bordereau et de l’écriture du capitaine Dreyfus..., celle-ci s’y trouve comme par hasard et nous ne pouvons pas la faire disparaître. Mais, à côté, se trouve l’écriture de M. le commandant Esterhazy ; M. Charavay pourra donc nous fournir quelques explications.

M. le Président. — Mais on ne peut pas faire séance tenante une expertise en écritures ; vous exigez des choses impossibles.

Me  Labori. — Non, monsieur le Président, nous n’exigeons pas de choses impossibles, nous en faisons.

Me  Clémenceau. — It ne s’agit pas de faire une expertise.

Me  Labori. — Voilà des spécimens qui ont été notifiés en facsimilés et en copies à M. l’Avocat général. Voulez-vous me permettre, monsieur le Président, de passer les exemplaires ; cela facilitera, pour la suite des débats, les explications que MM. les jurés auront à entendre.

Monsieur le Président, remarquez bien que je ne demande pas à M. Charavay de faire une expertise en écritures sur ces spécimens ; je sais bien ce que le témoin me répondrait, mais je veux simplement rafraîchir ses souvenirs. M. Charavay répond à ma question : « Mon Dieu ! le bordereau Esterhazy-Dreyfus, je l’ai vu en 1895 ; il y a longtemps... » Je crois, d’ailleurs, que les souvenirs de l’honorable expert ont dû se rafraîchir depuis quelque temps ; car il eût fallu qu’il fût bien peu curieux pour qu’il n’ait pas pensé à l’affaire de 1894 depuis quelques mois.