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Kestner, je me suis servi de ces mêmes pièces, puisque le hasard les faisait se retrouver entre mes mains et c’est sur les conseils de M. Scheurer-Kestner, à qui j’ai dit : « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse de tout cela ? Faut-il que je les renvoie au ministère ? » M. Trarieux m’a dit : « Le mieux est de les mettre en lieu sûr ». C’est ce que j’ai fait ; je les ai mises en lieu sûr. Je me suis exagéré très certainement la portée de cette affaire.

Quant au bordereau publié dans le Matin, il y a eu quelqu'un qui était aussi un homme dévoué et un ami, c’est M. Bertillon; M. Trarieux a peut-être un peu exagéré mon impression à son égard, et, je tiens à dire que M. Bertillon fait des démonstrations qui, n’étant pas à la portée absolument de tout le monde, peuvent paraître des choses excessivement fantastiques, excessivement originales. Voilà pourquoi moi-même, j’ai souvent bataillé avec lui. J’ai dit : « Si vous alliez faire une démonstration devant les jurés, qui ne sont pas des spécialistes, qui ne sont pas des mathématiciens, qui ne sont pas des hommes à comprendre, vous perdriez votre temps. » Voilà ce que j’ai pu dire à M. Trarieux, mais il n’en est pas moins vrai que le talent et la science de M. Bertillon soient un grand point dans l’expertise.

Tout n’a pas été dit, et même les choses les plus extraordinaires finissent à la longue par être des choses très ordinaires et très compréhensibles, mais quand elles sont à l’état d'enfantement, de création, on ne les saisit pas... Nos ancêtres n’aurait pas cru à l’électricité si on avait voulu la leur expliquer.

Je tiens à constater que M. Trarieux a raconté très exactement, comme je l’ai fait, les choses comme elles se sont passées, et je lui en témoigne ici publiquement toute ma reconnaissance.

Me Clémenceau. — Il résulte bien, n’est-ce pas, de la déposition de M. Teyssonnières, que les juges du Conseil de guerre ont eu son rapport, mais n’ont pas eu les pièces leur permettant de contrôler ce rapport?

M. Teyssonnières. — Ce n’était pas nécessaire.

Me Clémenceau. — Je ne discute pas.

M. Teyssonnières. — Je n’en sais rien. C’est le 16 juin 1897 qu’elles me sont revenues entre les mains.

Me Clémenceau. — Je dis que les juges du Conseil de guerre ont compris, paraît-il, le rapport de M. Teyssonnières, mais qu’ils n’avaient pas entre les mains les pièces de comparaison.

Nous savons, d’autre part, que si M. Bertillon n’a pas voulu nous expliquer son système, c’est qu’il a pensé que MM. les jurés n’étaient pas assez intelligents pour le comprendre. C’est M. Teyssonnières qui vient de nous expliquer qu’il fallait être un mathématicien pour comprendre ce système.

Me Larori. — M. Trarieux nous a bien dit que, dans les explications que M. Teyssonnières lui avaient fournies sur le bordereau, il avait parlé de dissimulations volontaires?