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je n’avais pas indiqué la date précise, mais je la précise aujourd’hui et je suis d’accord avec lui — ,c’était M. Teyssonnières qui, au mois de juin 1897, me fit donner cette expertise. Je l’examinai avec lui très attentivement.

Outre que la démonstration de M. Teyssonnières semblait reposer sur la similitude qui existait entre un certain nombre de lettres empruntées au bordereau et empruntées aux pièces de comparaison, il avait fait des relevés photographiques de ces lettres; c’était la lettre u, c’étaient d’autres lettres...

M. Teyssonnières. — C’était des calques sur gélatine.

M. Trarieux. — C’est possible, j’ai pu m’y tromper, cela avait l’apparence de la photographie; c’étaient des calques, si vous voulez... C’étaient des calques dont M. Teyssonnières m’affirmait l’authenticité.

Je ne disconviens pas que le travail me parut très ingénieux; je ne dis pas que je n’en eusse pas été sur le moment assez frappé. Mais, après avoir pris connaissance de tous les détails, je pris les pièces dans leur ensemble, j’examinai, et c’est alors que je fus frappé, comme j’ai eu l’honneur de le dire dans ma déposition première, des dissemblances dans l’ensemble, dans la physionomie générale de l’écriture, dissemblances aussi dans des détails qui avaient leur importance.

Quant à la physionomie générale de l’écriture, je fus notamment frappé de ceci : l’écriture du bordereau est une écriture assez peu lisible, l’écriture de Dreyfus est une écriture très nette et très lisible.

Quant aux détails, je me rappelle notamment ceci : je relevai un mot dans le bordereau, le mot adresse... c’est peut-être M. Teyssonnières lui-même qui me l’a signalé?

M. Teyssonnières. — Non, je n’ai pas relevé le mot adresse dans mon rapport.

M. Trarieux. — Alors, c’est moi qui l’ai relevé; enfin, c’est l’un de nous... Dans le mot adresse, il y a deux s. Dans le bordereau, ces deux s sont ainsi tracés : le premier s est un petit s, le second s est un s allemand, c’est-à-dire un s en forme d’f Retrouvant le même mot dans les écritures de Dreyfus, je vis à l’inverse le mot adresse écrit d’abord avec un s allemand, c’est-à-dire une sorte d’f comme première lettre et un petit s comme seconde lettre. Je dis alors : Voilà une écriture qui n’est pas la même!

M. Teyssonnières me répondit : « Oh! mais, c’est que sur l’ensemble, le traître, — car dans son indignation, c’est bien ainsi qu’il appelait tout à l’heure Dreyfus, — le traître a évidemment voulu dissimuler ses habitudes, il avait l’habitude d’user d’un s alphabétique et d’un s allemand ensuite; dans la circonstance, il a fait passer l's allemand avant le petit s. Toutes ces dissimulations — me dit-il — sont des dissimulations volontaires...

Eh bien! c’est sur ce point que la dissimulation volontaire, je l’affirme, me parut détruire l’expertise tout entière. Je ne le