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qui pouvaient me permettre et qui m’ont permis plus tard d’affirmer la conviction que j’ai apportée à la barre, lorsque j’ai déposé devant vous.

J’écoutais donc M. Teyssonnières, qui visiblement voulait me convaincre à mon tour, mais qui ne m’apportait pas de démonstrations convaincantes.

J’en étais là, lorsque le 2 janvier 1897 — je puis ici préciser la date — M. Teyssonnières m’écrivit une lettre, une lettre que je désirerais lire à MM. les jurés, si M. le Président voulait, usant de son pouvoir discrétionnaire, me le permettre...

M. le Président. — Ce n’est pas possible, vous pouvez en dire le sens.

M. Teyssonnières. — Je la sais par cœur.

M. Trarieux. — Je vais donc analyser la lettre; je crois qu’il vaut mieux que je conserve la parole, car M. le Président ne souffrirait pas que je fusse interrompu par M. Teyssonnières. Si ce que je vais dire, en analysant cette lettre, n’était pas exact, M. Teyssonnières voudrait bien le rectifier.

Dans cette lettre, M. Teyssonnières me renouvelait, en termes chaleureux, sa reconnaissance pour le service que je lui avais rendu et M. Teyssonnières ajoutait : « Il n’est qu’une chose que je regrette, c’est que vous ne paraissiez pas convaincu de la culpabilité de Dreyfus. Cependant, vous avez été Ministre de la justice, vous aviez tous les moyens de vous enquérir et de vous faire une opinion; du reste, les expertises ne sont plus un mystère, elles ont été publiées, elles appartiennent à la publicité, je voudrais bien que vous puissiez aller au fond des choses. »

Ce n’était pas la proposition formelle de me soumettre les documents qu’il pouvait avoir en mains; mais, enfin, c’était l’équivalent de cette proposition, et pour qui lisait entre les lignes, c’était évidemment l’offre indirecte de la part de M. Teyssonnières de mettre à ma disposition les documents dont il pouvait disposer et qui pouvaient être de nature à m’éclairer.

Je n’usai cependant pas de cette offre indirecte pour immédiatement demander à M. Teyssonnières ces communications. Il s’écoula encore un certain temps. Ce n’est, en effet, que dans le courant de la même année 1897 que ces communications m’ont été faites et, comme tout à l’heure on m’a dit que sur ce point M. Teyssonnières aurait rectifié ma déposition, je tiens à lui faire remarquer qu’il se trompe et qu’il n’y a pas de rectification à y apporter. Ma déposition première est parfaitement exacte, et sur tous ces points.

J’ai dit comment, en 1895, j’avais eu quelques premières communications qui m’avaient troublé; j’ai dit comment, en 1890, le 15 septembre, la publication du journal l’Eclair m’avait troublé, et j’ai dit que plus tard, le hasard des circonstances avait mis dans mes mains une expertise. Ce hasard des circonstances, c’était M. Teyssonnières qui, au mois de juin 1897 —,