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M. Teyssonnières. — Non. J’ai été accusé d’avoir fait chanter un client dans une expertise où j’avais été commis.

Me Clémenceau. — Comment le témoin a-t-il su cela ? Est-ce que ce fut directement par le président du Tribunal ?

M. Teyssonnières. — C’est par l’organe de M. Descubes, car je n’ai jamais vu directement le Ministre de la justice. Etant fonctionnaire, je n’avais pas à aller trouver le Ministre de la justice pour me plaindre d’un magistrat ; j’ai envoyé M. Descubes, et M. Descubes m’a rapporté que j’étais accusé d’avoir voulu faire chanter un client — je me sers de l’expression voulue — pour une somme de deux mille francs. J’ai produit alors un mémoire dans lequel j’ai rappelé les faits. Ce mémoire a été — c’est ce que M. Descubes m’a raconté, et c’est ce que M. Trarieux m’a dit lui-même — ce mémoire a été remis à M. le Président, et, une enquête ayant été faite, le juge d’instruction a dit : « Non seulement M. Teyssonnières n’a pas voulu faire chanter le client, mais il a même déposé son rapport sans demander une provision. » Voilà pourquoi, déposant son rapport, qui n’était pas favorable à MM. Halphen-Dauphin, ces messieurs ont refusé de verser une provision, et plutôt que de prendre un exécutoire et de les poursuivre, j’ai préféré perdre une somme de six cents francs.

Me Clémenceau. — Le témoin vient de parler d’un juge d’instruction. Est-ce qu’il y a eu une instruction ?

M. Teyssonnières. — Dans toutes les enquêtes, il va un juge d’instruction commis.

Me Clémenceau. — Mais y a-t-il eu un juge d’instruction commis dans l’affaire de M. Teyssonnières ?

M. Teyssonnières. — Non.

Me Clémenceau. — Est-ce que le témoin n’a pas fait insister auprès de M. le Président Baudouin pour se faire réintégrer sur la liste des experts?

M. Teyssonnières. — Oui.

Me Clémenceau. — Est-ce que M. le Président Baudouin a consenti?

M. Teyssonnières. — Je n’en sais rien. J’ai fait une démarche auprès d’un de mes amis, qui est conseiller à la Cour de cassation ; il m’a répondu : « Je ne crois pas devoir faire la démarche. » Cela me semblait indiquer qu’il avait déjà fait une démarche infructueuse.

Me Clémenceau. — Est-ce que le témoin a une opinion sur le motif quia décidé M. le Président Baudouin à prononcer sa radiation?

M. Teyssonnières. — Aucune, j’ai cherché pendant six mois, et je n’ai pas trouvé.

Me Clémenceau. — Le témoin nous a dit qu’il avait été porté ensuite sur la liste des experts près la Cour d’appel de Paris. Dans quelles conditions cela a-t-il eu lieu?

M. Teyssonnières. — Comme M. le premier Président de la Cour d’appel était dans les meilleures intentions à mon égard,