Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/453

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que l’individu était un homme peu recommandable, que l’individu avait des instincts mauvais... Il est inutile de m’étendre… un portrait aussi mauvais que possible. J'appris plus tard que j’avais fait un portrait graphologique de Dreyfus. Ayant donc dit au Lloyd rouennais mon opinion sur l'écriture de Dreyfus, l'ayant donnée, d’autre part, par écrit, je ne puis pas maintenant me déjuger. Néanmoins, on m’offre une jolie somme pour cela, je ne suis pas assez riche pour refuser, mais on se gardera bien de montrer mon rapport. Je lui dis : « On le montrera ou non, mais enfin je suis sûr qu’il sera bien fait, avec toutes les connaissances et toute la science qu’un expert dans l'art graphologique doit apporter à son travail. » Nous nous quittâmes, parce que ma blessure ne comportait pas un plus long entretien; et, pourtant à ce moment-là, il me dit : « Avant de vous retirer, voulez-vous me dire sur quoi vous vous êtes basé pour établir votre rapport ?» Je lui dis : « Mon cher ami, trente figures ou mots absolument identiques qui pourraient presque se superposer. » Il me dit : « Je connais votre talent, je suis certain de conclure de même. »

On se mit à table. Après le dîner, il fut obligé de quitter précipitamment la table. Au moment de partir, je lui remis un rapport en lui disant : « Veuillez examiner ce rapport et me donner votre opinion. » Il me répondit la lettre suivante : « J’ai examiné votre rapport, il est certainement le mieux fait le mieux ordonné de tout ce que j’ai vu jusqu’à ce jour; je vous en fais tous mes compliments, et, comme vous le verrez par l’apostille que j’y ai mise, je n’ai qu’à dire : Amen. Quel malheur que j'aie été obligé de vous quitter si promptement! Nous aurions eu tant de choses sérieuses à nous dire! Demain, je vais me mettre a la rédaction du rapport Dreyfus, ce qui me casse bras et jambes, au figuré (rires)... » Je lis la lettre... « ...ce qui me casse bras et jambes, au figuré, attendu que c’est un mauvais clichage qui me laisse très indécis, qui ne me guide pas et qui m'obligera tout le temps à faire des réserves. »

Or la presse dit que M. le général de Pellieux avait déclaré que la reproduction typographique du bordereau qui avait été publiée dans les journaux, n’était pour ainsi dire qu’un faux. Eh bien! j affirme, moi aussi, qu’il a été fort mal reproduit, et les journaux le reproduisent si mal, que M. Crépieux-Jamin le premier graphologue, dont on a surtout demandé les lumières, déclare lui-même que c’est un mauvais clichage avec lequel on n'est certain de rien, et qui l’obligera à faire des réserves. Il est certain que M. le général de Pellieux ne s’est pas trompé en disant que c était une mauvaise reproduction! Ce que j’affirme aussi, et je serais très heureux si, parmi MM. lesjurés, il y avait un imprimeur ou un typographe ou quelqu’un qui connaisse l'imprimerie.

On a truqué la reproduction de la manière suivante : il y a une forme sur laquelle sont les caractères d’imprimerie, un rouleau qui tourne sur cette forme ; entre les deux, passe une