Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/45

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demande de revision, mais une demande d’annulation du jugement rendu en 1894 contre le capitaine Dreyfus, demande d'annulation dans l’intérêt de la loi, qui n'appartient qu'à M. le Procureur général, j’entends au Ministère public.

Mais le moment n’est pas venu de parler de ces choses. Aussi bien, Messieurs les jurés, ce serait peine perdue à l'heure qu'il est car vous ne connaissez pas l’affaire, et nos adversaires — leur attitude en est la preuve — n’ont qu’une pensée, c'est de tout faire pour qu’il nous soit défendu de vous la faire connaître.

Laissez-moi monsieur l'avocat général, avec tout le respect que j’ai, et pour votre talent et pour votre connaissance du droit et pour votre loyauté, m’expliquer, au nom du droit de la défense non pas sur l’attitude du Parquet, mais sur l’attitude de M. le Ministre de la guerre, et je ne les solidarise pas ; car vous avez les mains liées ici ; vous n'y venez pas librement vous êtes obligé, quoi que vous en ayez, de vous enfermer dans le cercle étroit qui vous a été délimité par la plainte… (Bruit dans l'auditoire)

M. le Président. — J’ai dit tout à l’heure qu’à la première manifestation je ferais évacuer la salle. Qu’on se le rappelle et qu’on ne me le fasse pas répéter.

Me Labori. — Je disais, Messieurs les jurés, que ce serait peine perdue que de vous exposer l’affaire en ce moment. Quand l'heure en sera venue, comptez sur moi ! Quelques obstacles qu’on ait pu mettre à la production des témoignages et des preuves que nous nous proposons d’apporter, je vous exposerai l'affaire sans dire un mot qui puisse offenser le respect que je dois à la justice. Mais vous devez bien sentir au ton de mes paroles que j’ai la conviction, quels que puissent être à l'heure actuelle vos sentiments personnels, que je ferai la lumière dans l’esprit et dans le cœur des douze citoyens français qui représentent ici la France entière, qui siègent, vous m'entendez bien ! devant le monde, et dans lesquels j’ai, quant à moi, la plus absolue confiance.

Je n’ai plus rien à dire sur cette première partie des explications de M. l’Avocat général.

De ce que contenait ce réquisitoire préliminaire, je ne retiens qu’une chose, c’est que, puisqu’il a été permis à l'accusation de s'expliquer en des paroles courtes, mais pleines de sous-entendus et de réserves, sur l’attitude des prévenus qui sont ici, en ce qui concerne l’affaire Dreyfus-Esterhazy, et de ceux qui son derrière eux, il me sera permis à moi aussi, quand je prendrai la parole pour plaider au fond, de demander pour mes paroles, sous la réserve encore une fois que j’observerai le respect de la justice et de la loi, une indépendance entière.

J’arrive maintenant à quelque chose qui n'est pas moins élevé, mais qui est moins passionnant, je veux dire la question de droit.

Je ne m’étonne pas beaucoup, Messieurs, des difficultés que M. Zola rencontre dans cette affaire, et je compte bien que cet