Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/440

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schéma, les comparaisons d'écriture, exposé qui se résumait très nettement pour lui en ceci : que l'original du bordereau était de l'écriture de Dreyfus, décalqué sur Dreyfus.

Il me disait qu'il avait eu d'autres pièces entre les mains, qui lui avait permis, au moyen du repérage de la marge et d'autres déductions mathématiques, de se rendre compte que c'était la seul conclusion à formuler. Et il me donna cet avis que je n'avais pas à m'émouvoir de ce que j'entendrais de ce procès.

Je suis resté sous cette impression et, toutes les fois que, dans les conversations, dans le monde où je me suis trouvé, on parlait de cela, je m'empressais, n'ayant eu aucune demande de secret de mon cousin, de donner cette opinion qu'il m'avait transmise, et j'en indiquais les motifs.

Lorsque le Matin a publié le premier le fac-similé du bordereau, attribué à ce moment-là à M. Esterhazy, je me suis rappelé cette conversation avec mon cousin Alphonse, et j'ai recommencé moi-même, sur l'écriture du commandant Esterhazy, pour le bordereau qui lui était attribué, les mêmes observations que mon cousin m'avait fait faire sur le même bordereau dont il m'avait apporté la photographie. Immédiatement, il m'est apparu que les différences de texte étaient absolument exactes, mais que les écritures corroboraient avec celles que les journaux donnaient.

J'ai été extrêmement ému; je me suis rendu auprès de mon cousin et je lui ai dit: « Tu est venu en 1896, tu m'as dit que le bordereau était de l'écriture de Dreyfus calquée sur Dreyfus; voilà une écriture qui me semble bien pourtant être celle d'Esterhazy! »

Je lui ai dit: « Je te supplie, en mon âme et conscience, de recommencer la critique que tu m'avais faite pendant de longues heures pour me faire une opinion; tu ne peux, après m'avoir apporté une conviction me laisser dans le doute, en présence des accusations qui courent contre Esterhazy. »

Immédiatement, mon cousin m'a dit : « Je ne veux pas voir l'écriture; je ne veux pas la voir, je la connais, c'est celle d'Esterhazy. Je sais qu'Esterhazy est l'homme de paille des juifs, et il finira par avouer. Le bordereau n'est ni daté ni signé : ce ne serait pas un faux, ce serait une pièce quelconque, un élément d'escroquerie, et c'est comme cela qu'on espère se tirer d'affaire!n Mais je ne veux pas voir l'écriture. D'ailleurs, on ne peut pas, il ne faut pas faire la revision! On ne peut pas! si on la faisait, ce serait la guerre civile, on descendrait dans la rue, ce serait une émeute; on ne peut pas, on ne doit pas! »

J'ai répondu: « Cela, c'est de la politique; c'est une opinion qu'on peut avoir, mais ce n'est plus de la critique scientifique, ce n'est plus une expertise scientifique basée sur une vérification de pièces. Voilà ce que tu m'as dit il y a un an! J'ai remarqué la gravité de ta réponse et de tes paroles; tu m'as dit que, entrès au ministère de la guerre avec ta démonstration, on n'en avait