Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/431

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Bertjllon. — Je croyais qu’il y avait un arrêt de la Cour interdisant d’en parler ?

Me  Labori. — Messieurs les jurés, vous apprécierez ! Nous sommes fixés.

Me  Clémenceau. — Le témoin n’a pas à apprendre à M. le Président quelle est la portée des arrêts de la Cour.

Me  Labori. — Il s’agit donc bien de pièces de comparaison dont le témoin a fait des pièces de conviction. Pourquoi ? — car vous voyez bien que nous finirons par l’amener à s’expliquer ! — Parce que le témoin, avec une profondeur d’esprit à laquelle il est facile de rendre hommage et qu’on peut comprendre quand on a l’honneur de la voir à la barre (Rires), pénètre le sens secret des choses les plus mystérieuses, et même d’une correspondance de M. Mathieu Dreyfus dans l’affaire Alfred Dreyfus ; car la pièce essentielle, le témoin l'a dit et vous pouvez le croire, la pièce du buvard est de M. Mathieu Dreyfus à propos d’un fusil de chasse! C’est avec cela que le témoin, — dans quelles conditions merveilleuses, je l’ignore, — arrive à prouver la culpabilité de Dreyfus! C’est cette démonstration savante et mathématique, tirée des profondeurs de la science universelle que je lui demande. Cela ne regarde en rien la défense nationale.

Que le témoin nous fasse donc la preuve scientifique par les écritures, en y ajoutant toutes les conclusions morales, scientifiques et autres qu’il voudra, de la culpabilité de Dreyfus, parce que si le bordereau est de Dreyfus, il n’est pas du commandant Esterhazy.

Lorsque je demande : le bordereau est-il du commandant Esterhazy ? M. Bertillon répond : « Non. » — « Pourquoi ? » — « Parce qu’il est d’un autre. »

Le témoin dit : « Apportez-moi cent, apportez-moi mille écritures, le bordereau ne peut être que d’une seule, celle de Dreyfus. » Il faut que le témoin nous explique cela, c’est indispensable.

M. le Président, au témoin. — Pouvez-vous répondre ?

M. Bertillon. — Je me suis laissé aller samedi à dire qu’il me fallait des documents — appelez — les comme vous voudrez, dossiers 1894 si vous voulez — pour faire ma démonstration. Tout ce que je dirai sans ces documents sera vide de sens. D’ailleurs, je ne puis pas répéter ma déposition de 1894, laquelle a eu lieu à huis clos.

Me  Labori. — Je demande d’abord à M. Bertillon combien de temps il a mis à expliquer sa déposition devant le Conseil de guerre ?

M. Bertillon. — Je me retranche derrière le huis clos.

Me  Labori. — Je ne veux pas insister, parce que nous en aurions pour un mois. Mais M. Bertillon pourrait-il nous dire la différence qu’il y a entre les écritures dextrogyres et les écritures sinistrogyres et les conséquences qu’il en tire au point de vue d’une expertise?