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l’acquittement du commandant Esterhazy, et l’imputation d’avoir rendu un jugement par ordre » ;

Attendu que la citation donnée le 20 janvier à MM. Perrenx et Zola contient, conformément à l’article 50 de la loi précitée, « l’indication précise des propos qui sont l’objet de la poursuite », que les passages visés se réfèrent exclusivement à l’accusation lancée contre le premier Conseil de guerre ;

Attendu que la preuve de la vérité des faits diffamatoires est interdite, sauf l’exception formulée dans les articles 35 et 57 de la loi du 29 juillet 1881, et que cette interdiction est d’ordre public ;

Attendu que l’article 35 permet la preuve de la vérité du fait diffamatoire relatif aux fonctions ;

Attendu que l’article 52 décide que « le prévenu qui voudra être admis à prouver la vérité du fait diffamatoire devra faire signifier au Ministère public… : 1° Les faits… articulés dans la citation desquels il entend prouver la vérité » ;

Attendu qu’il résulte de ces articles que les faits dont le prévenu peut être autorisé à faire la preuve sont exclusivement ceux des faits par lui imputés qui ont été articulés et qualifiés dans la citation, — que les textes susvisés démontrent à l’évidence que la plainte, la citation et la preuve offerte ne peuvent avoir que le même objet ;

Attendu que, dans la signification faite au Parquet le 24 janvier, MM. Perrenx et Zola déclarent qu’ils entendent être admis à prouver et offrent de prouver, outre les faits articulés et qualifiés dans la citation, d’autres faits qu’ils articulent sous la lettre B, et qui ont été imputés à d’autres personnes ou d’autres corps ; — qu’ils fondent leur prétention sur ce que ces faits « indivisibles d’avec ceux visés par la citation », doivent être nécessairement prouvés tout d’abord pour permettre aux requérants d’établir la vérité des imputations relevées contre eux ;

Attendu que ces prétendus faits énoncés sous la lettre B, savoir :

1° Les prétendues inconscience, machinations saugrenues et coupables d’un lieutenant-colonel ;

2° La prétendue faiblesse d’esprit d’un général ;

3° La prétendue connaissance par le Ministre de la guerre de l’innocence d’un condamné ;

4° Les prétendues passion cléricale et esprit de corps de deux généraux ;

5° La prétendue partialité et naïve audace qui auraient présidé à une enquête scélérate ;

6° Les prétendus rapports mensongers et frauduleux de trois experts ;

7° Une prétendue campagne de presse ;

8° La prétendue violation du droit imputée à un autre Conseil de guerre,

Sont absolument distincts de l’imputation au premier Conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, ayant jugé l’affaire Esterhazy, d’avoir : osé acquitter par ordre, rendu une sentence inique, été forcément criminel, couvert une illégalité par ordre, commis le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable ;

Attendu que les faits énoncés sous la lettre B dans la signification du 24 janvier ne sont rattachés à l’imputation qui vient d’être précisée par aucun lien de dépendance ou de conséquence, d’identité de personnes ou de concert ;

Attendu qu’il est manifeste que la demande de prouver hors de la citation n’a d’autre but que de faire dévier le débat et de permettre