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nombre de petits papiers, il nous est impossible de les diviser au point de vue de la discussion. Si on a la preuve que le bordereau est de Dreyfus, il n’est pas d’Esterhazy. Je dis donc à M. Bertillon : veuillez nous faire, par tous les moyens si intéressants qui vous sont propres, non pas la preuve que le bordereau est de Dreyfus, parce que M. le Président vous arrêterait, mais qu’il ne peut pas être d’Esterhazy.

M. le Président. — Vous entendez la question? Je puis vous la poser dans ces conditions.

M. Bertillon. — Je demande pardon à Me Labori de l’avoir interrompu quand il nous lisait l’article de ce journal. J’ai encore présentes à l’esprit les conditions dans lesquelles j’ai reçu le reporter du Soir. Je l’ai reçu à la porte de mon antichambre, devant trois ou quatre de mes agents; il venait m’interroger sur des bruits qui venaient je ne sais d’où. Je me suis contenté de le renvoyer très poliment en lui disant : «Je ne demande pas mieux que de publier ma déposition ». Je ne lui en ai pas dit plus long; tout le reste de l’article a été ramassé de droite et de gauche. J’ai été l’objet dix fois et vingt fois de tentatives de ce genre.

Ma déposition a eu lieu devant beaucoup de témoins. Elle est faussée dans les brochures de M. Bernard Lazare; les phrases n’y ont plus le même sens et les mots s’y suivent sans rime ni raison. On est venu m’interviewer là-dessus et on m’a prêté toutes sortes de propos.

M. le Président. — En votre âme et conscience, est-il possible que le bordereau émane de la main du commandant Esterhazy?

M. Bertillon. — C’est impossible! (Bruit.)

Me Labori. — Les experts ne sont pas encore devenus des oracles et nous leur demandons des explications.

M. le Président. — Attendez. Je n’ai pas demandé pourquoi.

Me Labori. — Il y a longtemps que j’attends!

M. le Président. — Témoin, qu’est-ce qui vous fait penser que le bordereau n’est pas de la main du commandant Esterhazy?

M. Bertillon. — C’est qu’il est de la main d’un autre.

Me Clémenceau. — Qu’est-ce qui lui fait penser qu’il est de la main d’un autre?

M. Bertillon. — Alors nous retombons dans mes déclarations de samedi; cela ne finira jamais.

Me Clémenceau. — Il y a peut-être une question intermédiaire qu’il nous serait utile de poser. Est-ce que le témoin n’a pas fait, depuis l’affaire de 1894, à quelque personne étrangère ou à des amis, une démonstration, je ne dis pas de la culpabilité de Dreyfus, mais de son système de raisonnement?

M. le Président. — Vous comprenez ce qu’on veut vous faire dire? Avez-vous fait la démonstration de votre système, comme en matière anthropométrique? Quel est le système que vous