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M. Bertillon. — Monsieur le Président, je n’ai pas saisi. (Nouveaux murmures.)

M. le Président. — Monsieur Bertillon, avez-vous les photographies des lettres qui ont servi de pièces de comparaison?

M. Bertillon. — Dans quelle affaire?

M. le Président. — Dans la première, puisque vous avez déclaré que vous ne vous étiez pas occupé de la seconde.

M. Bertillon. — Dans l’affaire de l’ex-capitaine Dreyfus? Je croyais que cette affaire ne devait pas être traitée ici?

M. le Président. — On vous demande si vous avez des pièces?

M. Bertillon. — C’est reparler de cette affaire. Moi, j’en ai en dépôt; seulement, elles appartiennent au ministère de la guerre. Je ne les ai pas toutes, mais j’en ai suffisamment. Du reste, elles devraient être au greffe du ministère de la guerre.

Me Labori. — Monsieur le Président, voulez-vous me permettre de demander au témoin comment il se fait que, comme tant d’autres, il ne s’aperçoive de l’obligation de garder le silence sur l’affaire Dreyfus que devant la justice, et qu’on trouve dans les journaux le récit détaillé d’interviews auxquelles il s’est prêté sur l’affaire Dreyfus?

M. le Président. — Témoin, vous avez bien compris la question ?

M. Bertillon. — En fait d’interviews dans les journaux relatives à l’affaire Dreyfus, on n’en trouvera pas beaucoup de moi; j’ai reçu beaucoup de reporters et j’en ai congédié autant.

Me Labori. — Je vais soumettre à l’honorable témoin une seule interview, où nous allons trouver d’importants renseignements.

M. Bertillon. — On m’a prêté énormément de propos qui ne sont pas exacts.

Me Labori. — Voici d’abord l’Echo de Paris du 3 décembre 1897. Je ne veux pas vous lire toute l’interview, ce serait trop long, mais seulement une partie; elle est intitulée : « Grave déclaration de M. Bertillon. » Ce n’est pas, à proprement parler, une interview, mais la Cour va voir que les renseignements émanent de M. Bertillon:

Un député a raconté à plusieurs de ses collègues qu’il avait rencontré M. Bertillon, avec lequel il s’était entretenu quelques minutes de l’affaire Dreyfus. D’après lui, M. Bertillon aurait déclaré que la culpabilité de l’ex-capitaine ne faisait pour lui aucun doute, et que le bordereau n’était pas la seule pièce importante du procès. D’ailleurs, M. Bertillon aurait dit : « Tant que je n’ai eu connaissance que du bordereau, j’ai déconseillé les poursuites. »

Puis, écoutez bien ceci, messieurs les jurés, et vous verrez si cela peut émaner d’un autre que de M. Bertillon:

C’est une pièce importante saisie dans le buvard de M. Mathieu Dreyfus qui a achevé de me convaincre.