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situation personnelle, après avoir été mêlé à l’affaire si grave de 1894, j’éprouve de temps en temps des bouillonnements intérieurs et que ma situation est pénible et embêtante!

Me Clémenceau.— Le témoin vient de dire que sa situation est embêtante; le mot est à retenir.

M. Bertillon. — Je vous demande pardon pour l’expression.

Me Clémenceau. — Elle ne me gêne pas; j’en comprends le sens. M. Bertillon veut dire qu’il est fonctionnaire et que. comme tel, il y a des choses dont il ne peut librement parler.

M. Bertillon. — Ce n’est pas cela du tout.

Me Clémenceau. — Alors, je demande l’explication du mot «embêtante»; ce mot est aux débats et je le retiens. Il faut s’expliquer, car la question est très grosse.

M. le Président. — Mettons que le témoin ne veut pas parler.

M. Bertillon (avec colère). — Je ne brûle que d’une chose, c’est de faire connaître ma déposition! Mais j’ai mille obstacles qui s’y opposent; je suis tourmenté tous les jours par mille machines; alors, de temps en temps, la digue se rompt, sapristi!!

M. le Président. — Vous voyez que le témoin ne veut pas parler.

Me Clémenceau. — Monsieur le Président, vous voudrez bien accorder au témoin vingt minutes pour s’expliquer sur son schéma, après avoir reconnu que vous êtes plus à même que M. Bertillon d’apprécier la portée des arrêts de la Cour.

M. le Président. — La voici:Y a-t -il une ressemblance quelconque entre l’écriture du bordereau et l’écriture du commandant Esterhazy? Je ne puis pas sortir de là.

Me Clémenceau. — M. Bertillon ayant dit avant hier: « Je vais prouver que le bordereau ne peut pas avoir été écrit par une autre personne que Dreyfus», si M. Bertillon fait cette démonstration, nous avons, a contrario, la vérité sur les questions posées dans ce procès.

M. le Président. — M. Bertillon vous a répondu qu’il n’avait pas les pièces et qu’il était impossible pour lui de faire cette démonstration.

Maître Labori, avez- vous une autre question à poser?

Me Labori. — Oui. Je crois que M. Bertillon, si j’ai bien compris ses explications, a les pièces.

Voulez-vous être assez bon, monsieur le Président, pour lui demander s’il a les pièces à sa disposition?

M. Bertillon. — Quelles pièces ? (Murmures.)

M. le Président. — M. Bertillon avait demandé la photographie, non seulement des pièces, mais des lettres.

Me Labori. — Je croyais que c’était simplement la photographie du bordereau.

M. Bertillon. — Non.

Me Labori. — Si je le comprends bien, les pièces dont parle M. Bertillon sont les photographies des pièces de comparaison des écritures.