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Reims, des mains des Prussiens, le service des chemins de fer français et c’est peut-être la période de sa vie où il a dû donner la plus grande preuve de patriotisme. Depuis, en sa qualité d’Inspecteur principal, il est chargé, d’accord avec les commissions militaires, d’organiser, pour le cas de guerre, la défense nationale sur sa section, en ce qui concerne le service des chemins de fer. Enfin, il y a sept ans, au mois de janvier 1891, mon père a été décoré de l’ordre de la Légion d’honneur, sur la demande et par l’intermédiaire du 4e bureau de l’Etat-major de la guerre, et c’est M. le général de Boisdeffre qui lui a annoncé sa décoration avec les félicitations qu’il a cru devoir y joindre.

Voilà, messieurs les jurés, ma réponse! je n’ai rien à ajouter; je vous demande seulement d’apprécier, par cet incident, ce que valent certaines attaques et certaines affirmations.

M. le Président, à l'huissier audiencier. — Faites venir le premier témoin.

Me Labori. — Monsieur le Président, M. Jaurès demande à être entendu.

M. le Président, à l'huissier audiencier. — Appelez M. Jaurès.

RAPPEL DE M. JAURÈS

M. Jaurès. — Monsieur le Président, je regrette plus que personne que l’état de santé de M. Papillaud ne lui permette pas d'être ici, car je suis sûr que devant la netteté de mes affirmations, la précision de mes souvenirs, il ne pourrait pas maintenir une minute sa dénégation.

J’affirme une fois de plus, sous la foi du serment, que M. Papillaud m’a déclaré, à deux reprises, qu’il avait entendu M. Esterhazy lui dire : « Lorsque le journal le Matin a publié le fac-similé du bordereau, je me suis senti perdu. » Je précise les circonstances : Une fois M. Papillaud me l’a dit au sortir de la séance du Sénat, où M. Scheurer-Kestner avait interpellé. Nous nous sommes rencontrés au bas du grand escalier; nous avons parlé du résultat de la séance et nous avons été d’accord pour dire, qu’en somme, malgré les apparences, M. Scheurer-Kestner avait obtenu un résultat important, puisqu’il avait obtenu que le bordereau serait officiellement versé à l’enquête.

Ce fut le point de départ, lorsque nous sortîmes ensemble, d’une conversation sur le bordereau, au cours de laquelle Papillaud me dit : « S’il n’y avait que le bordereau, la chose serait bientôt jugée; car je suis convaincu que le bordereau est d’Esterhazy. Je ne peux m’expliquer que par là le trouble qu’il nous a montré, alors que son nom n’avait jamais été prononcé, qu’il n’avait été mêlé en rien au procès; car, en voyant le fac-similé du journal le Matin, il s’était senti perdu. »

Une autre fois, à la Chambre, dans la salle des Pas-Perdus, j’ai abordé M. Papillaud dans un groupe très nombreux de jour-