Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/411

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sion d’obligations. Le sens n’a rien à faire là-dedans. Il faut voir ces pièces pour être à même d’entrer dans la discussion et dans l’analyse... Je ne peux pas aller plus loin.

Me  Labori. — Ce sont bien des lettres de M.Mathieu Dreyfus, du frère du condamné?

M. Bertillon. — Oui.

Me  Labori. — Est-ce que vraiment M. Bertillon n'a pas déposé un rapport écrit?

M. Berïillon. — J’ai déposé plusieurs rapports administratifs: un premier rapport le jour de mon expertise, un deuxième rapport huit jours après; je ne crois pas avoir ensuite déposé d’autres rapports.

M. le Président. — Alors, vous n’avez pas été consulté dans l’affaire Esterhazy?

M. Bertillon. — Non, j’ai reçu la visite du colonel Picquart; j’ai appris tout de suite que cela se rapportait à l’affaire Esterhazy...

Me  Labori. — Puisque nous en sommes sur ce point, M. Bertillon pourrait-il nous dire ce qui s’est passé dans cette visite, et ce que lui a dit le colonel Picquart?

M. Bertillon. — Le 16 mai 1896, j’ai reçu la visite du colonel Picquart qui m’a apporté, une petite photographie de quelques lignes d’écriture, du format le plus petit, photographie extrêmement mal faite, avec des mots rapportés dans tous les sens, en me demandant mon avis sur cette écriture. Avant même de regarder le papier, j’ai préjugé, et c’était dans la logique de la situation, qu’il s’agissait de l’affaire Dreyfus ou d’un incident de l’affaire Dreyfus; car, s’il s’était agi d’une nouvelle expertise pour un autre ordre, ou d’une affaire importante, le colonel Picquart aurait dû passer par mon chef hiérarchique, M. le Préfet de police.

En déposant le papier sur la table, je lui ai dit: « C’est encore l’affaire Dreyfus ?» Il m’a dit: « Oui... Enfin, je voudrais savoir votre opinion. » J’ai regardé cette écriture et, au premier coup d’oeil, je lui ai dit: « Gela ressemble singulièrement à l’écriture du Bordereau ou à l’écriture de Mathieu Dreyfus, ou c’est une imitation de cette écriture! cela se rapporte à cette affaire-là? »

Il me dit alors : « Mais, non, cela ne se rapporte pas à cette affaire-là; ce n’est pas cela, étudiez, et vous m’en reparlerez. Ayez donc l’obligeance de repasser demain au ministère pour me rendre l’original. »

Je fis ce que me demandait le colonel Picquart; je fis photographier le document, et, ma foi je vous dirai que je ne m’en suis pas occupé plus longuement. J’avais une écriture qui ressemblait à celle du bordereau; or, j’ai Ia_démonstration absolue que le bordereau ne peut pas être d’une autre personne que le condamné. Qu’est-ce que cela me fait qu’il y ait d’autres écritures semblables à celles-là? Il y aurait cent officiers au ministère de la guerre qui auraient cette écriture, cela me