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tement en question, sous prétexte de bonne foi, des décisions judiciaires, quand, en droit et au fond, on ne peut pas être admis à les discuter directement ; on ne peut en un mot faire indirectement ce qu’il est défendu de faire directement.

Mais, Messieurs, si notre législation pose ces principes incontestables, elle est soucieuse au plus haut degré de l’erreur judiciaire, et nos lois ont tracé les règles de la revision. La loi récente de 1895, qui a élargi autant qu’il a paru possible au Parlement les cas dans lesquels cette procédure serait admise, est, remarquez-le, Messieurs, postérieure d’une année à l’affaire Dreyfus, et par conséquent on pouvait introduire une demande de revision si on avait eu tous les éléments nécessaires pour donner satisfaction à des intérêts, s’ils avaient été légitimes.

A l’heure où je parle, aucune demande de revision n’a jamais été faite, et cependant on ne recule devant rien en dehors de l’audience et même on cherche à y pénétrer sans qualité ; on a tenté d’abord de faire condamner un deuxième officier pour le crime du premier, pour se trouver sous le coup de l’application de l’article 443, paragraphe premier, qui indique un cas de revision.

L’entreprise a échoué.

Il n’y a pas dans l’espèce de faux témoignage, même allégué ; c’est un second cas de revision. Par conséquent, ce moyen ne peut pas être présenté.

Enfin, Messieurs, le dernier cas de revision qui puisse intéresser une affaire est celui-ci : un fait nouveau, une pièce inconnue. Et à quelles conditions ce fait nouveau ou cette pièce inconnue peut-il donner lieu à revision ? C’est là, Messieurs, une simple règle de bon sens : ce n’est que quand ce fait nouveau, cette pièce inconnue, est — c’est le texte de la loi — de nature à établir l’innocence du condamné.

On veut ici, par un moyen révolutionnaire, et on l’avoue, provoquer un débat scandaleux. Au moyen révolutionnaire, Messieurs, il n’y a ici qu’un obstacle à opposer, c’est la loi, et c’est pour éviter ces excès que la prévention a été limitée à l’imputation qui n’a pas trait à la chose jugée, mais au crime imputé aux juges ; c’est sur ce point que nous réclamons vos preuves nettes et décisives !

Les articles 35 et 52 de la loi sur la presse décident que les faits articulés dans la citation peuvent seuls être prouvés par les prévenus. À cette règle, qui est d’ordre public, il n’y a qu’une seule exception : c’est dans le cas où les faits étrangers à la citation, offerts cependant en preuve, sont indivisibles avec ceux de la citation, ne forment en réalité avec ceux-ci qu’un seul tout.

Je soutiens, Messieurs, devant vous, que la seule analyse des faits étrangers à la citation sur lesquels les prévenus, d’après leur signification, persistent à vouloir faire porter le débat, démontre qu’il n’existe pas d’indivisibilité.

En effet, d’abord, ces faits visent tous des personnes qui n ont