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incriminés de l’article de M. Emile Zola ; il n’a pas fait citer un seul témoin.

Me Clémenceau. — Non, parce que nous les avons fait tous citer nous-mêmes, adversaires ou amis, et c’est à notre honneur!

M. le Président. — C’était à vous de faire venir et de notifier au Ministère public tous les témoins que vous deviez faire entendre. Puisque vous avez cité tous les témoins, produisez toutes les pièces que vous croyez devoir produire ; mais je n’ai moi, personnellement, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, aucune pièce à fournir; nous sommes dans une matière tout à fait spéciale, en matière de presse, qui est régie par la loi de 1881.

Me Clémenceau. — Je croyais qu’il n’y avait d’autre justice que celle qui consiste dans la recherche de la vérité.

M. le Président. — Il y a un mode spécial indiqué par la loi de 1881; cette loi, la Cour l’a fait respecter dans un premier arrêt. Déposez des conclusions; mais je vous préviens que ce sera absolument le même arrêt.

Me Clémenceau. — Alors, comme dernier mot, je retiens, moi, que si M. le Ministre de la guerre n’avait pas seulement poursuivi quinze lignes, dans un article de quinze pages, nous aurions pu faire la preuve de tous les faits!

M. le Président. — Nous n’avons pas à apprécier la pensée de M. le Ministre de la guerre : nous sommes saisis d’une citation; nous ne devons pas sortir des faits qui sont précisés et formulés dans cette citation: conformément à l’article 52 de la loi de 1881, nous devons rester dans les termes et dans les limites de cette citation, vous le savez aussi bien que moi.

Me Clémenceau. — Je constate que personne ne veut nous aider à faire éclater la vérité.

M. le Président. — Soit ! Mais c’est à vous à la faire éclater.

Me Me Larori. — Voulez-vous, monsieur le Président, me permettre de m’adresser à M. l’Avocat général, non pas sans avoir répondu un mot à vous-même.

Je suis convaincu que nous touchons ici à une partie capitale du débat et c’est pourquoi j’insiste. Je crois, monsieur le Président, ou plutôt messieurs de la Cour, je crois que ce débat, qui fait tant de bruit et qui remue tant d’esprits, qui soulève tant d’émotion, peut encore comporter des résolutions calmes, rapides et pacifiques. Et je pense qu’il dépend de la justice civile, devant laquelle nous sommes, d’aider beaucoup à la solution de ce procès, en ne mettant pas à la manifestation de la vérité, des obstacles toujours plus grands et plus infranchissables. Pour qu’il soit encore possible d’arriver à la solution par les voies légales, dont on nous parle, il faut qu’on ne nous rende pas toute discussion impossible, il faut qu’après avoir restreint le débat, on ne vienne pas encore, dans les limites étroites où on le restreint, l’étrangler.

Quels sont les droits de la Cour? Je ne suis pas, à cet égard,