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Me  Demange. — Je n’ai jamais vu que le bordereau; par conséquent, c’est certain.

Je disais donc que, dans leur lettre, ces messieurs m’accusent de manquer à mon devoir et prétendent que c’est moi qui suis cause de l’article de M. Zola. Ils disent que si je m’étais adressé au Ministre de la justice, très certainement tout ce bruit ne se produirait pas; c’est moi qui suis rendu responsable, dans la lettre qu’ils m’adressent, du trouble dans le pays aujourd’hui.

Il ne s’agissait pas d’interview, n’est-ce pas ?

J’ai répondu au professeur et aux jeunes gens en leur demandant de venir me trouver. Ils sont venus me voir, et alors j’ai causé confidentiellement avec eux; le professeur a gardé ma confidence, mais les jeunes gens ne l’ont pas gardée.

Me  Labori. — Par conséquent, tout ce qui est intéressant pour nous, c’est que les faits consignés dans l’article sont exacts. Quant à la parfaite correction de Me  Demange, tout le monde la connaît, elle n’a jamais été mise en doute. Je voulais simplement être fixé sur l’exactitude du renseignement.

J’ai encore deux questions à poser à Me  Demange. Me  Demange ne sait-il pas que c’est le 15 novembre, pour la première fois, que M. Leblois a vu M. Mathieu Dreyfus chez M. Scheurer-Kestner?

Me  Demange. — Le lendemain du jour où M. Mathieu Dreyfus a eu fait sa dénonciation. M. Leblois est venu me voir en me disant qu’il était le conseil de M. Scheurer-Kestner, et c’est alors que M. Leblois m’a mis au courant de tout ce que j’ai appris et de tout ce que vous savez. C’est par lui que j’ai su comment, au mois de juin de l’année 1897, il avait reçu la visite de M. le colonel Picquart, qui arrivait de Tunisie ou d’Algérie; que ce dernier était sous le coup d’une menace de celui qui était devenu son successeur et qu’il était venu demander un conseil à M. Leblois et, parlant à son avocat, comme on parle à un avocat, c’est-à-dire sous le sceau du secret professionnel, il avait dit à M. Leblois : « Voilà ce qui s’est passé. »

A ce moment-là, M. Leblois m’a représenté les faits comme n’étant à sa connaissance que depuis le jour où il a recula visite du colonel Picquart. Voilà ce qu’il m’a dit.

Me  Labori. — Alors, Me  Demange sait que c’est le 15 novembre, ou à une date approchante, que M. Leblois aurait vu M. Mathieu Dreyfus chez M. Scheurer-Kestner?

Me  Demange. — Je ne sais qu’une chose, c’est que M. Mathieu Dreyfus était aussi ignorant que moi de ce que faisait M. Scheurer-Kestner. Je sais qu’il a dû être mis en rapport avec M. Scheurer-Kestner, puisqu’il m’a dit que c’était vers le 8 ou le 10 novembre qu’il avait apporté à M. Scheurer-Kestner une écriture qu’il tenait de M. de Castro, écriture identique à celle du bordereau. Il m’a même expliqué que M. Scheurer-Kestner avait levé les bras, puis avait dit: « Maintenant que vous savez quel est l’auteur du bordereau, je suis délié