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inique et commis le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.

En conséquence, Monsieur le Ministre et cher Collègue, j’ai l’honneur, en vertu de l’article 47 de la loi du 29 juillet 1881. de porter plainte contre le gérant du journal l’Aurore et contre M. Zola, à raison de la diffamation dirigée contre le premier Conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, qui, dans les séances des 10 et 11 janvier 1898, a prononcé l’acquittement du commandant Esterhazy.

Veuillez agréer, etc.

M. le Greffier donne ensuite lecture de l’assignation :

L’an 1898, le 20 janvier, à la requête de M le Procureur général près la Cour d’appel de Paris, lequel fait élection de domicile en son parquet sis en cette ville, au Palais de justice, agissant d’office sur la plainte déposée le 18 janvier 1898, par M. le Ministre de la guerre, dans les termes de l’article 47 de la loi du 29 juillet 1881, au nom du premier Conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, ayant jugé les 10 et 11 janvier 1898 le commandant Esterhazy, lequel tribunal relève de son département.

J’ai, Charles-Marie-Georges Dupuis, huissier audiencier à la Cour d’appel de Paris, demeurant même ville, au Palais de justice, soussigné,

Donné assignation : 1° à M. A. Perrenx, gérant du journal l’Aurore, demeurant à Paris, 142, rue Montmartre, où étant et parlant a un employé du journal, puis à sa personne ; 2° à M. Émile Zola, homme de lettres, demeurant à Paris, 21 bis, rue de Bruxelles, où étant et parlant à une personne à son service,

À comparaître devant la Cour d’assises de la Seine, sise au Palais de justice à Paris, le lundi, 7 février 1898, à onze heures et demie du matin,

Comme prévenus :

I — J.-A. Perrenx,

D’avoir, à Paris, depuis moins de trois mois, en sa qualité de gérant, dans le numéro quatre-vingt-sept, deuxième année, du journal l’Aurore, portant la date du jeudi 13 janvier 1898, lequel numéro a été vendu et distribué, mis en vente et exposé dans les lieux ou réunions publics, publié les passages suivants renfermés dans un article signé Émile Zola et intitulé :

Lettre à M. Félix Faure, président de la République

Première colonne de la première page :

« Un Conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure. L’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis. »

Sixième colonne de la première page :

« Ils ont rendu cette sentence inique qui à jamais pèsera sur nos Conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier Conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel. »