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Me  Clémenceau. — Permettez -moi de poser une question, et vous verrez que, d’après un témoin que vous ne récuserez pas — c’est vous-même — nous parlons du dossier secret.

Monsieur le Président, voulez-vous me donner la parole pour poser une question sous cette forme: Je vais lire d’abord la déposition du colonel Henry à cette audience, d'après la sténographie, puis je poserai une question:

« Quel était donc ce dossier ? M Henry. — C’était un dossier secret.

M. Zola. — Relatif à quoi ?

M. Henry. — Un dossier secret.

M. Zola — C’était le dossier de l’affaire Dreyfus?

M. Henry. — Non, le dossier Dreyfus est sous scellés depuis 1895: il n’a jamais été décacheté, à ma connaissance du moins.

Or, à l’audience d’aujourd’hui, M. le colonel Henry nous a dit, il a répété, que c’était si bien le dossier secret Dreyfus, que de ce dossier sortait le document libérateur : « Cette canaille de D...»

Je demande au colonel Henry comment il peut concilier sa déposition d’aujourd’hui avec sa déposition d’il y a deux jours ?

M. le colonel Henry. — Jamais la pièce « canaille de D ... » n’a eu de rapport avec le dossier Dreyfus. Je le répète: jamais, jamais, puisque le dossier est resté sous scellés depuis 1895 jusqu’au jour où, au mois de novembre dernier, M. le général de Pellieux a eu besoin du bordereau pour enquêter au sujet de l’affaire Esterhazy; par conséquent, la pièce « canaille de D .. » n’a aucun rapport avec l’affaire Dreyfus, je le répète

Alors, je me suis mal expliqué, ou on m’a mal compris. Mais je répète, devant ces Messieurs, que jamais ces deux pièces, le dossier Dreyfus et la pièce « canaille de D...», n’ont eu aucun rapport.

Je vais d’ailleurs m’expliquer sur ce dossier; il y a déjà longtemps que j’en prends la responsabilité. (S’adressant à Me  Labori.) Voulez-vous permettre, monsieur le défenseur ?

Me  Labori. — Certainement, monsieur le colonel.

M. le colonel Henry. — Eh bien, allons-y!

En 1894, j’ai l’honneur d’appeler votre attention sur ces dates, messieurs les jurés, au mois de novembre, un jour, le colonel Sandherr est entré dans mon bureau et m’a dit: « Il faut absolument que vous recherchiez dans vos dossiers secrets tout ce qui a trait aux affaires d’espionnage. »

« — Depuis quand ? « — Depuis que vous êtes ici. — Vous les avez classés ? »

Je lui ai dit «Oh! ce ne sera pas long; j’y suis depuis un an, depuis 1893. »

— « Eh bien ! recherchez tout ce que vous avez; vous en constituerez un dossier. »

J’ai recherché ce que j’avais, et j’ai retrouvé, je crois, huit ou