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et la continue, je crois, encore, puisque j’ai comparu devant le Conseil d’enquête comme attaché provisoirement au 4 e tirailleurs.

Me Labori. — Je voudrais dire encore un mot à M. le général Gonse, ce sera le dernier. M. le colonel Henry, à propos d’un dossier secret, a raconté une scène qui se serait passée au ministère

M. le général Gonse. — Est-ce que vous me permettrez de terminer mes explications sur cette partie ?

Me Labori. — Certainement, général.

M. le général Gonse. — Je répète ce que j’ai dit, et je le maintiens. J’ai dit que c’était dans un but de bienveillance qu’on avait agi à l’égard du colonel Picquart; on lui avait continué la mission dont il parle jusqu’à ces temps derniers. Hier, il en a été question ici ; on a dit qu’il avait été envoyé sur les confins de la Tripolitaine dans un but que je ne qualifierai pas; tout cela est du roman pur; nous n’avons pas l’habitude d’envoyer faire tuer nos officiers pour rien du tout. Cette partie de sa mission résultait de la situation faite par la guerre de Macédoine, qui avait soulevé les esprits dans tout le monde musulman et particulièrement dans la Tripolitaine, où certains faits s’étaient passés. Nous avions le désir d’être renseignés très exactement sur ces faits que nous n’avions appris que par une voie détournée.

On s’est dit tout naturellement: «Voilà le colonel Picquart qui est en Tunisie! Il peut bien diriger sur la frontière un service d’informations pour savoir ce qui se passe de l’autre côté de la frontière». On lui a donc dit d’aller dans le Sud. Il ne s’agissait pas d’aller se promener dans des parages dangereux, mais d’aller dans les postes où nous avons des officiers, qui circulant tous les jours très facilement d’un poste à l’autre. Le poste le plus éloigné, c’est celui qui s’appelle Djenenn. Il y a des officiers français qui restent là et circulent avec deux ou trois cavaliers à certains moments de l’année, selon que les tribus sont plus ou moins en mouvement. Jusqu’à présent, depuis l’occupation de la Tunisie, il n’y a jamais eu aucun accident.

Tel est le fait simple qu’on a présenté hier sous la forme d’un roman et même, je puis le dire, d’un conte de journal. Je ne sais plus qui a fait un article, très spirituel, du reste, au commencement de janvier, intitulé « Gonse-Pilate ». Cela me flatte. C’est une manière de parler, parce que le personnage n’est pas très intéressant ! Gonse-Pilate avait fait condamner un Galiléen, un centurion honnête (je n’indiquerai pas qui, mais vous le sentez bien); on lui avait signalé Barrabas, officier criblé de dettes qui était le vrai coupable. Pilate n’a pas voulu substituer l’un à l’autre et a envoyé le centurion honnête chez les nomades pour tâcher de le faire tuer. Voilà le roman tel qu’on vous l’a présenté hier, mais c’est un roman. Il n’y a rien de plus faux.

M. le colonel Picquart. — Je demanderai à ajouter un mot à cette explication humoristique. Lorsque le général Leclerc a reçu l’ordre de m’envoyer à la frontière tripolitaine, il trouvait