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de Boisdeffre. Je ne voulais pas prononcer de noms ici, mais puisqu’il le faut, je dirai que le générai de Boisdeffre a approuvé d’abord par écrit, ensuite directement, ce que je faisais, et m’a dit de continuer; car je lui avais parlé du petit bleu à ce moment. Donc, au mois de juillet et pendant tout le mois d’août, j’ai continué comme il m’avait dit. Je lui avais dit l’affaire et je lui avais même écrit: « Je n’en ai parlé à personne, pas même au général Gonse.» C’est alors qu’au commencement de septembre, lorsque j’eus fait un rapport écrit sur la question et que je l’eus soumis d’abord au général de Boisdeffre, j’ai été trouver sur son ordre le général Gonse à la campagne et je lui ai raconté l’affaire.

Me  Labori. — Je voudrais bien poser une question à M. le général Gonse. Voudrait-il nous dire pourquoi on ne s’est pas aperçu plus tôt de tous les faits dont il est question aujourd’hui avec tant de vivacité, et pourquoi on n’a pas fait plus tôt des reproches à M. le colonel Picquart?

M. le général Gonse. — Parce que je ne les connaissais pas complètement.

Me  Labori. — Pardon, monsieur le Président, M. le général Gonse connaissait-il à ce moment-là tout ce que M. le colonel Picquart avait fait à propos du petit bleu et qu’est-ce qu’il en pensait?

M. le général Gonse. — Je ne le savais pas du tout.

Me  Labori. — Au mois de novembre 1896, M. le général Gonse ne le savait pas!

M. le général Gonse. — Je l’ai su après.

Me  Labori. — Pardon. A quelle date?

M. le général Gonse. — Dans le courant de l’automne.

Me  Labori. — De quelle année ?

M. le général Gonse. — 1896.

Me  Labori, — Pourquoi alors, postérieurement à cela, le général Gonse a-t-il écrit les lettres si affectueuses et si pleines d’encouragement, on peut le dire, qu’il adressait à M. le colonel Picquart et comment explique-t-il le contraste qu’il y a entre l’attitude qu’il avait au cours de cette correspondance et l’attitude que nous lui voyons prendre à la barre aujourd’hui?

M. le général Gonse. — Parce ce que je ne connaissais pas tous les faits qu’on a reprochés au colonel Picquart.

Me  Labori. — Quels sont ces faits?

M. le général Gonse. — Je n’avais pas fait d’enquête; je ne savais qu’une chose; c’est que le colonel Picquart n’avait pas suivi complètement toutes les instructions que je lui avais données. Je savais aussi qu’il était pour ainsi dire hypnotisé par cette question Dreyfus-Esterhazy.

Je lui avais toujours dit de ne pas suivre cette piste dans les conditions qu’il indiquait; il ne faisait pas complètement son service; il était absorbé par cette affaire, et, comme vous l’a dit ici le chef d’Etat-major, on l’a envoyé en mission pour chercher à rectifier son jugement. C’est dans cet ordre d’idées que je lui ai