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il entré par la porte qui était en face du bureau ou par la petite porte latérale?

M. le colonel Henry. — Par la grande porte.

M. le colonel Picquart . — A quelle distance est-il venu dans le bureau, à peu près?

M. le colonel Henry. — Je ne pourrais pas dire si c’est à dix centimètres ou un pas, évidemment.

M. le colonel Picquart. — Enfin, le colonel Henry était de l’autre côté de mon bureau, c’est-à-dire du côté opposé à celui où j’étais assis?

M. le colonel Henry. — En face de vous; et j’ai parfaitement vu la pièce, car c’est cette place qui m’a permis de voir la pièce et le dossier.

M. le colonel Picquart. — Je demanderai que l’on montre la pièce. Lors de l’enquête du général de Pellieux, mes souvenirs étaient déjà très effacés.

Le général de Pellieux m’a montré cette pièce dans son cabinet, et à distance. Il s’est même passé alors la scène suivante: Le général de Pellieux me dit en me la montrant: « Vous voyez cette pièce ? » — Je me suis penché et j’ai dû regarder attentivement pour la reconnaître, car c’est une photographie très obscure et très brouillée. Il m’a interpellé et m’a dit brusquement: « Voyons, vous connaissez cette pièce ? » Cette pièce est celle où il y a, non pas « cette canaille de D... » mais « ce canaille de D...»

M. le colonel Henry. — Moi, je la reconnaîtrais à dix pas.

M. le colonel Picquart. — J’oppose à cela le démenti le plus formel.

M. le colonel Henry. — Ceci ne se discute pas, surtout lorsqu’on a l’habitude de voir une pièce et j’ai vu celle-là plus d’une fois. Je le maintiens formellement et je le dis encore: le colonel Picquart en a menti!

M. le colonel Picquart, arrêtant brusquement un mouvement de son bras qu’il levait. — Vous n’avez pas le droit de dire cela!

M. le Président. — Vous êtes en désaccord tous les deux.

Me Clémenceau. — Permettez, monsieur le président, ai-je bien entendu, vous avez dit: en désaccord!... Voici la deuxième fois qu’un délit se commet à cette audience; un témoin a été insulté par un autre témoin et je constate que le Président a dit seulement: ces témoins ne sont pas d’accord!

M. le Président. — Vous constaterez tout ce que vous voudrez.

Me Labori. — Puisque M. le colonel Picquart, au moment où il est l’objet d’une interpellation comme celle que vient de lui adresser M. le colonel Henry, s’entend dire simplement ceci: « Alors, vous êtes en désaccord », je demande qu’il s’explique sans réserve.

M. le colonel Picquart. — Je demande à m’expliquer et à dire aux jurés ce que signifie tout cela! (Mouvements divers.)