Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/358

Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvé dans le cornet un petit bleu qui concerne un officier», je demande si le chef d’Etat-major se laisse représenter seulement une copie et s’il ne demande pas l’original ?

M. le commandant Lauth. — Il est assez probable qu’il l’aurait demandé, et c’est pour cela que la chose m’a beaucoup étonné à ce moment-là.

Me  Clémenceau. — Je me résume...

M. le Président. — Voyons...

Me  Clémenceau. — Ah ! je suis désolé d’être désagréable à la Cour..,

M. le Président. — Vous n’êtes désagréable à personne, seulement vous êtes un peu long.

Me  Clémenceau. — J’ai la prétention d’être extraordinairement désagréable à l’accusation en ce moment; c’est pour cela que je vous demande respectueusement la permission de continuer. Si le petit bleu vient du cornet, il est déchiré et pas timbré; — s’il vient de la poste, il est timbré mais non déchiré. Quand le chef d’Etat-major se fera représenter l’original, si on lui représente l’original déchiré, et timbré parce que venant delà poste, il demandera pourquoi il est déchiré. — Troisième hypothèse? Pour qu’on trouve le petit bleu déchiré et timbré, il ne peut avoir qu’une origine, il faut qu’il vienne de chez le commandant Esterhazy, parce que, timbré, il a passé à la poste; déchiré, il a été déchiré par le commandant Esterhazy. Or, M. le commandant Lauth a dit tout à l’heure: «On n"a jamais prétendu que le petit bleu vînt de chez M. le commandant Esterhazy.

Me  Labori. — J’ai quant à moi...

(M. le Président fait un geste et semble vouloir arrêter Me  Labori.)

Me  Labori. — Oh! Monsieur le Président...

M. le Président. — Je n’ai rien dit; continuez.

Me  Labori. — Si vous saviez combien il est douloureux de vous faire souffrir de la sorte!… Je reprends la question de la déchirure. M. le commandant Lauth, pour lequel cependant il me semble que nous faisons des raisonnements extrêmement clairs, insiste sur ceci: «C’est précisément, dit-il, parce que le colonel Picquart m’avait demandé de faire disparaître ou avait songé à faire disparaître la trace des déchirures sur la photographie que j’ai été étonné. » Est-ce que M. Lauth n*a pas dit tout à l’heure qu’il était impossible de faire disparaître ces traces sur l’original?

M. le commandant Lauth. — Parfaitement.

Me  Labori. — Qu’est-ce qui constitue une pièce authentique? Est-ce une photographie ou un original?

M. le commandant Lauth. — C’est un original.

Me  Labori. — Alors la question des déchirures n'a plus d’intérêt?

M. le commandant Lauth. — C’est possible. Vous me deman-