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militaire de Paris, et je puis vous dire quelles ont été mes conclusions; je disais: Contre le commandant Esterhazy, aucune preuve...

M. le général de Pellieux. — Eh bien!

Me  Labori. — ... mais, contre le colonel Picquart, une faute grave relevée au point de vue militaire.

M. le général de Pellieux. — Eh bien! je n’ai pas pu dire autre chose. M. Mathieu Dreyfus ne m’a fourni aucune preuve.

Me  Labori. — Ne croyez pas, monsieur le général, que je veuille vous mettre en contradiction avec vous même; je ne m’y efforcerai pas; il ne peut y avoir entre nous que des confusions qu’il s’agit d’éclaircir. Je veux bien préciser la question pour en tirer la conclusion qui m’appartient en tant que défenseur, et je dis ceci: la première enquête militaire de M. le général de Pellieux, enquête militaire, judiciaire ou autre, a été faite avec la conscience dont était capable M. le général de Pellieux. Elle se terminait d’une manière très nette; il n’y avait qu’un accusé; c’était M. le lieutenant-colonel Picquart. Et alors, que peuvent signifier ces mots : «C’était au Conseil de guerre à la terminer?»

M. de Pellieux vous a dit hier: «Ce n’est pas un accusé qu’on poursuivait au Conseil de guerre», et M. le commandant Ravary avait procédé comme M. de Pellieux. J’arrive alors à ma question: Comment aurait-on pu, même coupable, condamner M. le commandant Esterhazy, étant donnée la façon dont l’instruction était faite. Je déclare, moi, que je l’aurais acquitté malgré ma virulence d’aujourd’hui. Comment était-il possible d’obtenir une condamnation, alors que c’était l’accusation qui demandait l’acquittement et qu’on excluait la contradiction, puisqu’on nous refusait d’être admis à l’audience?

M. le général de Pellieux. — Je ne comprends pas.

M. le Président. — On prétend que votre enquête était faite dans un sens favorable à celui qui allait comparaître devant le Conseil de guerre, c’est-à-dire que votre enquête avait pour but d’établir la non-culpabilité du commandant Esterhazy.

M. le général de Pellieux. — Moi !...

Me  Labori. — Il ne s’agit pas des intentions de M. le général de Pellieux; elles étaient très pures. Je dis ceci: D’après sa première enquête, c’est M. le colonel Picquart qui était l’accusé.

M. le général de Pellieux. — Mais non.

Me  Labori. — En tout cas, en ce qui concerne M. Esterhazy, l’enquête concluait au non-lieu, car il n’y avait pas une charge contre lui.

M. le général de Pellieux. — J’ai dit et je répète que M. Mathieu Dreyfus n’a apporté aucune preuve. Voilà tout ce que j’ai dit.

Maintenant, j’ai relevé, au cours de cette information, une faute militaire contre le lieutenant-colonel Picquart; je l’ai prévenu, il vous dira que je lui ai dit dans mon cabinet: «Vous avez commis une faute militaire grave.» (Se tournant vers le colonel Picquart.) Vous l’ai-je dit, colonel?